DOLLS
Article
publié dans la Lettre n° 215
DOLLS. Film japonais de Takeshi Kitano
avec Miho Kanno, Hidetoshi Nishijima, Tatsuya Mihashi, Chieko Matsubara
(2002-couleurs-1h55).
Le bunraku est un genre théâtral particulier où les artistes animent
des marionnettes à fils tout en jouant une histoire. Le film débute
avec le Courrier des enfers, pièce du célèbre dramaturge
Monzaemon Chikamatsu qui raconte les déambulations sur quatre saisons
de deux amants maudits. Ce début n’est pas anodin, il donne le ton
au film. Les personnages de Takeshi Kitano, en trois récits alternés,
vont être eux aussi « des marionnettes manipulées par des marionnettes
» pour reprendre les propres termes du réalisateur.
Afin d’épouser la fille de son patron, Matsumoto vient de rompre
avec Sawako. Le jour du mariage, désespérée, la jeune fille fait
une tentative de suicide et perd la raison. Un terrible sentiment
de culpabilité pousse alors Matsumoto à quitter la cérémonie, laissant
une future épouse éplorée, des beaux-parents outragés et des parents
humiliés d’avoir perdu la face. Il se jette ensuite sur les routes
avec Sawako, en quête du bonheur perdu. Au rythme des saisons, leur
itinéraire s’apparente à celui des amants errants, enlacés à leur
amour par une corde rouge.
Conjointement à ce récit, un vieux yakusa arrive au terme de sa
vie. Agé et malade, il retourne dans le jardin de sa jeunesse, où
il a renoncé à son amoureuse au profit de sa carrière. Une jeune
chanteuse enfin, est l’objet de l’adulation de ses fans. A la suite
d’un accident dont elle sort défigurée, elle décide de se retirer
du monde. Afin de pouvoir l’approcher, l’un de ses admirateurs commet
un geste irréversible. Ces trois récits ont le même fil conducteur,
la fidélité, la constance amoureuse et la passion maladive dont
la seule issue ne peut être que fatale.
On a souvent reproché à Takeshi Kitano la violence verbale et gestuelle
de ses films. Celui-ci en est tout autant imprégné, mais il s’agit
cette fois d’une violence toute intérieure, celle de la cruauté
du destin, de l’amour absolu, où les amants privés de liberté, sont
pris entre les affres de l’amour qui les unit et la pression sociale.
Telle une oeuvre d’art, Takeshi Kitano ne montre que la partie visible
de son film. Le spectateur peut donc laisser libre cours à son imagination,
à sa propre interprétation et à sa réflexion personnelle à partir
de ce qui lui est offert.
Les costumes somptueux, la vertigineuse beauté des prises de vue
et des paysages rythmés par les saisons, la maîtrise du sujet ne
sont pas sans rappeler l’oeuvre d’Akira Kurosawa. Comparer Kitano
à « l’empereur du cinéma japonais », peintre au merveilleux sens
du rythme et du montage court, peut sembler exagéré. Dolls
est pourtant à la beauté et à l’amour ce que Rêves était
à la beauté et à la générosité. De film en film, en évoluant et
affinant sa pensée, Takeshi Kitano s’est insensiblement glissé à
ses côtés. Lien: dolls.supergazol.com
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