LE COUPERET

Article publié dans la Lettre n° 240


LE COUPERET. Film français de Costa-Gavras avec José Garcia, Karine Viard, Ulrich Turuk, Olivier Gourmet (2004-couleurs-2h00).
Il n’y a que le premier pas qui coûte. Bruno Daver est surpris. Il vient de « zapper » à bout portant sa première victime avec l’arme de guerre de son père. Il s’en faisait tout un monde et c’est si simple. La quarantaine, bon mari, bon père, une femme aimante, des enfants gentils, bon cadre supérieur dans une fabrique de papier, il avait même été félicité par son patron qui, six mois plus tard le licenciait avec six cents autres employés, au nom de la sacro-sainte délocalisation. Les quinze mois de salaire alloués lui avaient permis de croire qu’ils lui laisseraient le temps de retrouver un emploi dans les six mois. Deux ans et demi plus tard, sa situation devenait critique. Entre deux petits boulots, Marlène sa femme, tentait d’être compréhensive, de l’encourager, puis commençait à désespérer, son fils se mit à faire des bêtises. C’est alors qu’une idée lumineuse lui traversa l’esprit, celle d’employer les mêmes armes que le capitalisme: éliminer la concurrence, autrement dit ceux qui postulaient pour le même poste que lui. Il choisit la cible, Arcadia, fabrique de papiers recyclables et son cadre supérieur dynamique Raymond Machefer, mais avant il fallait exécuter les postulants. C’est ainsi que Gabriel, Etienne, Rick passèrent de vie à trépas, non sans quelques bavures, on ne devient pas tueur en série du jour au lendemain!
Costa-Gavras est un réalisateur à la carrière cinématographique aussi longue que variée. Du thriller policier Compartiment tueur aux films politiquement engagés Z, l’Aveu, Section spéciale, Missing ou Amen, dont il se dégage toujours un certain manichéisme, il est passé à l’adaptation de romans plus intimistes comme Clair de femme. Avec Le Couperet, inspiré d’un roman de Donald Westlake, il renoue avec le film d’action à suspense mâtiné de critique sociale en y ajoutant un ingrédient de taille : l’humour noir. Entre drôlerie et effroi et grâce à la formidable interprétation de José Garcia sur qui repose le film et à celle de Karine Viard toujours parfaite, Costa-Gavras et Jean-Claude Grumberg s’emploient à soulever quelques plaies et travers de notre société actuelle: le chômage, la recherche d’un emploi et ses entretiens d’embauches ahurissants, le chômage dû à la délocalisation, l’individualisme et l’égoïsme du chacun pour soi, tout en écorchant avec causticité certains métiers comme celui de la police ou de la psychologie qui leur donnent l’occasion de scènes hallucinantes. La fin qui se veut morale est inattendue : quoique l’on fasse, on est toujours rattrapé par ses actes!


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