COMMENT
J'AI TUE MON PERE
Article
publié dans la Lettre n° 190
COMMENT
J’AI TUE MON PERE. Film
français d’Anne Fontaine avec Michel Bouquet, Charles Berling, Natacha
Régnier, Stéphane Guillon, Amira Casar (2001-couleurs-1h40).
L’homme qui lui fait face travaille dans une grosse boîte américaine.
Il est usé, la boîte le sait, cela le déstabilise. Il a un fils
de deux ans. Lorsque celui-ci aura vingt ans, lui, sera un vieillard.
C’est pourquoi il le voit comme un étranger, comme une menace. Ce
discours, Jean-Luc l’écoute tous les jours dans sa clinique privée
où il est gérontologue. Son diagnostique est onéreux et sans état
d’âme, comme il l’est lui-même dans sa vie de quadragénaire aisé
qui a réussi. Isa, son épouse, a le regard perdu de la jeune femme
qui a tout pour être heureuse mais qui cache un mal profond. Patrick,
leur chauffeur, est le frère de Jean-Luc, comédien sans emploi.
Ce soir, Isa a organisé une soirée. Parmi les invités, un homme
apparaît, souriant, l’oeil vif. Jean-Luc reconnaît Maurice, son
père, qui a disparu depuis vingt ans et dont il vient de recevoir
par courrier la nouvelle de la mort. Retour en arrière ou hallucination,
le père est là, de retour d’Afrique. La stupeur passée, les retrouvailles
ne sont pas chaleureuses, « après vingt ans et trois cartes postales
» pour reprendre l’expression acerbe de Jean-Luc. Mais durant les
semaines qui suivent, faisant un pas en avant et deux en arrière,
Jean-Luc va « apprendre » ce père qui va lui renvoyer sa propre
image. Pour Patrick, le parcours n’est pas plus simple. Il ne veut
rien savoir de ce géniteur, parti lorsqu’il avait quatre ans, mais
pris peu à peu sous le charme, il mesurera combien son absence lui
a pesé. Le charme de Maurice va aussi agir sur Isa qui, de l’extérieur,
va observer le duel entre ce beau-père inconnu et ce mari dont elle
va découvrir tout à coup le vrai visage. Quant à Myriem (excellente
Amira Casar), assistante et maîtresse de Jean-Luc, coincée entre
deux cultures, elle sera elle aussi le témoin du changement que
va apporter cette intrusion dans leur vie. Tout ceci ne se fera
pas sans heurts, sans cris, sans larmes jusqu’à la pulsion meurtrière.
Anne Fontaine fait ici un portrait psychologique très abouti des
relations père-fils mais aussi de celles entre les êtres et de la
difficulté d’effacer les rancoeurs et les rancunes. Les personnages
qu’elle sonde sont terriblement complexes, vrais, attachants, c’est
pourquoi le casting est une véritable réussite. Si Natacha Régnier,
loin de son personnage de La vie rêvée des anges, est formidable,
Charles Berling et Michel Bouquet sont époustouflants. Ils semblent
parfois si proches de nous, tant leur rôle colle à la réalité. Anne
Fontaine ne raconte pas une histoire, elle expose un sujet et signe
là sa meilleure oeuvre, un vrai régal. Lien:
www.gaumont.fr.
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