CARNETS
DE VOYAGE
Article
publié dans la Lettre n° 231
CARNETS DE VOYAGE. Film argentino-brésilien
de Walter Salles avec Gael García Bernal, Rodrigo de la Serna (2004-couleurs-2h05).
En 1952 à Buenos Aires, Alberto Granado, biochimiste de 29 ans et
Ernesto Guevara de la Serna, jeune étudiant en médecine de 23 ans,
rêvent de découvrir les réalités du continent latino-américain.
La culture européenne a davantage bercé leur jeunesse que celle
de leur propre continent et ils estiment en savoir davantage sur
la période gréco-romaine que sur l’époque précolombienne. Le 4 janvier,
juchés sur une vieille moto, ils tournent résolument le dos à l’univers
aisé de jeunes intellectuels d’une classe sociale protégée, pour
affronter l’aventure et l’inconnu. Au fil des milliers de kilomètres
qu’ils s’apprêtent à parcourir, ils vont aller à la découverte de
la géographie physique mais aussi humaine du continent qu’ils explorent.
Cette quête opérera chez eux une transformation radicale. Alberto
Granado ne sortira pas indemne de cette expérience riche d’enseignements.
En 1960, il rejoindra son ami Ernesto, devenu «el Che», à Cuba,
où il se fixera. Pour Ernesto, le changement sera plus radical et
rapide. Dès le terme du périple, il confiera à son ami avant de
se séparer: « Moi, je ne suis plus moi, du moins le même moi antérieur
». Le face à face avec la pauvreté, la souffrance, la maladie mais
surtout les inégalités et l’injustice, bouleversera pour toujours
ses convictions. C’est durant ce voyage que le jeune homme romantique
et idéaliste va céder la place au révolutionnaire, qu’Ernesto forgera
le destin qui sera celui du Che, un pur et dur, incapable de mentir
et de trahir, dont le rêve était de rassembler une seule race métisse
sur tout le continent et qui mourra sans avoir pu le réaliser.
Walter Salles n’est pas un béotien en la matière. La démarche de
Carnets de voyage rejoint en fait celle de ses films précédents
Terre lointaine et Central do Brasil. S’il s’est basé
sur les carnets de voyage écrits sur le vif par les deux compagnons
de route, il a refait le même périple dans l’ordre, afin de s’imprégner
des mêmes images et de ce qu’ils avaient ressenti. Le passage continuel
entre documentaire et fiction donne une grande authenticité à son
propos, accentuée par le choix des deux interprètes. Découvert dans
Amours Chiennes et Y tu mamá también, héros du film
de Pedro Almodóvar La mauvaise éducation, et propulsé au
premier rang des stars, le jeune Gael García Bernal prête de façon
remarquable son regard fiévreux et sa silhouette gracile à Ernesto
Guevara tandis que Rodrigo de la Serna campe un Alberto plus vrai
que nature lorsque l’on considère les traits du véritable Alberto
Granado à la fin du film, devenu octogénaire, et retrouvé à Cuba.
En parcourant lui-même ce continent, Walter Salles s’est aperçu
que la plupart des problèmes sociaux qui avaient frappé Ernesto
et Alberto en 52 n’avaient pas été résolus. Le voyage initiatique
des deux hommes se révèle en être un aussi pour le spectateur qui,
tout en admirant la vertigineuse splendeur des paysages des contrés
visitées, en perçoit les problèmes fondamentaux, ceux-ci mêmes qui
forgèrent d’un seul coup la trajectoire fulgurante d’un homme. Nombreuses
salles dont UGC Normandie 8e (08.92.70.00.00). Lien: http://www.diaphana.fr/fiche.php?pkfilms=116
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