CAPITAINE THOMAS SANKARA

Article publié exclusivement sur le site Internet, après la Lettre n° 388
du 16 novembre 2015

 

CAPITAINE THOMAS SANKARA. Documentaire suisse de Christophe Cupelin (2012 - couleurs et N/B - 1h30).
Réalisé à partir d’archives publiques et personnelles, voici un film tout à la gloire du charismatique fondateur du Burkina Faso, le Pays des Hommes intègres, qui succéda en 1983 à Jean-Baptiste Ouédraogo, renversé par Blaise Compaoré, un ami intime de Thomas Sankara (1949-1987), rencontré pendant une formation militaire au Maroc. Le contexte social, économique et politique est clairement présenté d’autant plus que Thomas Sankara le décrit inlassablement au fil de ses nombreux discours et des résultats acquis par son gouvernement. Lutte contre l’analphabétisme : les enfants scolarisés passent de 6 à 20% ; vaccination de 2,5 millions d’enfants en quinze jours ; construction de barrages et de logements ; autosuffisance alimentaire ; lutte contre le machisme en accueillant trois femmes dans son gouvernement et en obligeant les hommes à faire le marché ! Les mesures prises sont nombreuses. Certaines sont anecdotiques. Alors que Thomas Sankara est guitariste et mentionne ses trois guitares parmi ses biens, il ordonne la fermeture des night-clubs sous prétexte que le prix de vente d’une bouteille de Coca-Cola est égal à un mois de salaire d’un ouvrier. De même les votes se font sans isoloir au motif que 90% de la population est analphabète. L’interdiction de l’excision, la création d’un théâtre populaire de 1 800 places, une conscience écologique très avancée – il lance une campagne de reboisement massif - en font un dirigeant africain atypique, qui reste un exemple pour les jeunes africains d’aujourd’hui.
Néanmoins le réalisateur jette un voile pudique sur certaines exactions de ce dirigeant, en particulier avec ses opposants. Et il n’en manquait pas, aussi bien dans l’ancienne Haute Volta qu’en Occident et en particulier en France. Tour à tour il a été traité de marxiste, d’homme de Khadafi, d’anti-français, voire de dictateur. Et c’est vrai que les nombreux voyages à l’étranger de ce révolutionnaire anticonformiste laissent songeur même s’il montre devant les dirigeants du monde entier son indépendance d’esprit. Militaire, il proclame que « Sans formation politique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance ». De retour d’URSS, qui lui a donné 600 tonnes de riz et où il a visité le centre spatial, il déclare que ce n’est pas du riz qu’il attend mais de pouvoir aller lui aussi sur la lune ! Devant les autres chefs d’état africains il fait un vibrant plaidoyer, à la fois drôle et plein de bon sens, pour ne pas rembourser les dettes de leurs pays. Khadafi lui ayant promis son aide, ne voyant rien venir, il lui vole sa voiture et son Boeing 727 ! Encore plus radical, il suspend le paiement des loyers des logements durant un an.
Quand on sait que son meilleur ami était Blaise Compaoré, la réponse qu’il fait au cours d’une interview à ceux qui lui disent que celui-ci prépare un coup d’état contre lui est stupéfiante. Il déclare qu’il connaît bien Compaoré, que celui-ci, alors Premier Ministre, est un homme très compétent et que s’il a décidé de l’éliminer, il réussira. En conséquence, Thomas Sankara ne fera rien pour s’y opposer. Il sera assassiné avec douze de ses collaborateurs en octobre 1987. Compaoré prendra le pouvoir et engagera une politique de « rectification de la révolution ». Un film attachant et instructif sur une expérience qui reste unique en Afrique. Sortie en salles le 25 novembre 2015.


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