AVANT LA NUIT

Article publié dans la Lettre n° 188


AVANT LA NUIT. Film américain de Julian Schnabel avec Javier Bardem, Olivier Martinez, Andrea di Stefano, Johnny Depp, Sean Penn (2000-couleurs-2h15).
Avant la Nuit est la dernière oeuvre du romancier Reinaldo Arenas, publiée en 1993, trois ans après sa disparition. Elle témoigne de la vie de son auteur à Cuba, prise dans les soubresauts des bouleversements qui secouèrent l’histoire de l’île. Comme le début du roman, Reinaldo, deux ans, joue avec la terre dans la clairière d’une forêt luxuriante, superbe prise de vue qui annonce l’intention de Julian Schnabel, qui loin de s’égarer dans ce recueil foisonnant de souvenirs, va en révéler toute la substance.
Après le triomphe du Castrisme auquel participe Reinaldo, encore adolescent, Cuba va connaître une période d’euphorie, où l’émancipation sexuelle permet au jeune homme de découvrir son homosexualité. Jeune écrivain, son premier roman est remarqué, le second récompensé par le deuxième prix au concours des jeunes auteurs. Mais cette embellie de quelques mois ne dure pas. La répression s’installe: « Les artistes sont une menace pour toute dictature », l’homosexualité, une dégénérescence. Trahi, dénoncé par ses amis, Reinaldo est arrêté et transféré à la prison de El Morro, non comme prisonnier politique, mais enfermé avec les criminels ordinaires. Il parviendra à les apprivoiser ce qui lui permettra d’écrire et de faire sortir en fraude son roman Avant la nuit. En 1980, après une véritable odyssée, il gagne les Etats-Unis avec Làzaro, son ami qui lui fermera les yeux, et qui a participé au scénario du film.
Julian Schnabel fait de l’histoire tragique de cet écrivain, un témoignage lyrique et bouleversant mais aussi un plaidoyer en faveur de tous les prisonniers politiques du monde. Il a introduit dans le montage des documents d’actualité de l’époque. La reconstitution de l’embarquement des « déchets sociaux » vers les U.S.A, dont Castro s’était débarrassé et dont Reinaldo a profité, est particulièrement poignante, mais le film doit aussi beaucoup à l’interprétation exceptionnelle de Javier Bardem dans le rôle titre, consacré meilleur acteur pour cette prestation au dernier Festival de Venise, et à celle d’Olivier Martinez, Làzaro le dernier ami, particulièrement sobre et émouvante.


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