ZOO
ou l'assassin philanthrope

Article publié dans la Lettre n° 229


ZOO ou l’assassin philanthrope, de Vercors. Mise en scène Jean-Paul Tribout avec Jean-Claude Bouillon, Emmanuel Dechartre, Marie-Christine Letort, Jean-Claude Sachot, Henri Courseaux, Jacques Fontanel, Bernard Malaka, Bernard Valdeneige.
Au petit matin, Douglas Templemore, journaliste britannique, fait venir un médecin à son domicile londonien, afin que celui-ci constate le décès d’un nouveau-né. Il lui apprend qu’il s’agit de son propre fils, déclaré et baptisé et qu’il vient de l’assassiner. Le nourrisson n’est pas un être tout à fait comme les autres. Il appartient à une race, les « tropis », qui vient d’être découverte par une expédition ethnographique quelque part du côté de la Nouvelle Guinée, une peuplade d’êtres jusqu’alors inconnue, chaînon manquant entre le singe et l’homme. La victime est le fruit d’une insémination artificielle d’une femelle par le sperme du journaliste. La justice s’empare de l’affaire, un procès s’ouvre. Les jurés devront baser leur verdict sur une alternative pour le moins complexe: si la victime est déclarée appartenant à la race humaine, Douglas Templemore sera condamné à mort pour infanticide. Si elle est déclarée appartenant à la race animale, il sera acquitté. Cet assassinat, Douglas Templemore l’a commis à dessein: il veut que la science se détermine sur l'appartenance des tropis, même si son entêtement doit lui coûter la vie. Le juge, la partie civile et la défense s’engagent alors sur une voie totalement inconnue. Ils examinent les pièces du dossier, se concertent, font défiler témoins et autorités compétentes et analysent toutes les pistes susceptibles de permettre aux jurés de rendre un jugement le plus juste possible. D’audience en audience, ils se heurtent à la même interrogation: quelle est la limite qui sépare l’être humain du singe le plus évolué?
Vercors écrivit Zoo à partir de son roman les Animaux dénaturés. Cette pièce passionnante soulève une multitude de questions sur nos origines et sur l’interprétation qu’en font les représentants de la science, de la philosophie et de la théologie, chacun raisonnant selon ses connaissances et ses convictions. La mise en scène dynamique de Jean-Paul Tribout fait fi des difficultés causées par la multiplicité des lieux et des retours en arrière, le décor, simple mais judicieux, lui apportant une aide précieuse. Il met formidablement en valeur la verve de l’auteur et l’ingéniosité de l’intrigue, à la fois policière et intellectuelle. Le langage, la religion, les rites, les constatations biologiques sont tour à tour invoqués par les deux parties avec une argumentation si convaincante que personne ne l’emporte jamais. Les comédiens se partagent une douzaine de rôles, sautant avec talent d’un personnage à l’autre. Vercors a réussi là et pour notre plus grand plaisir le moyen d’aborder un sujet grave de la façon la plus légère et la plus divertissante qui soit. Théâtre Mouffetard 5e, jusqu’au 27 juin 2004.


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