VOUS N’AUREZ PAS MA HAINE d’après le roman éponyme d’Antoine Leiris. Production Claire Ramiro. Mise en scène Olivier Desbordes. Univers musical et sonore, musicienne en live Moone. Lumière Simon Lericq. Avec Mickaël Winum.
Il aurait aimé que son livre raconte une histoire mais surtout pas la sienne. Antoine Leiris n’eut pas le choix. Ce livre fut pour lui l’un des remparts dont il se dota pour élever son fils et lui transmettre autre chose que la haine. Melvil, ce bébé de dix-sept mois, que la femme de sa vie lui laissa en partant pour toujours.
Le soir du 13 novembre 2015 au Bataclan… Ces seuls mots traduisent mieux qu’une description de cette nuit-là l’assassinat d’Hélène sous les balles des terroristes. Le sol a beau se dérober sous ses pieds et le monde s’écrouler, trois jours plus tard, Antoine publie une lettre sur Facebook: «Vous n’aurez pas ma haine», une lettre partagée des milliers de fois.
Il s’agit là d’une première réponse avant la publication, l’année suivante, d’un livre sous le même titre. Ce n’est pas un écrit racoleur où Antoine étalerait sa douleur et sa haine mais le parcours d’un homme qui couche sur le papier sa détermination, sa résilience face à l’indicible et sa lutte face au calvaire. Ce chemin de croix, c’est l’annonce de la mort tragique qui le tétanise, le vêtement à préparer et le cimetière, le regard plein de compassion des autres, la sollicitude des mamans qui l’entourent à la crèche. Vient le moment où il plonge son nez dans les derniers vêtements qu’elle a portés pour respirer son odeur encore présente. Puis viennent le silence et la fermeture de la porte sur lui et son fils. Car la vie reprend à l’aune de l’emploi du temps de l’enfant, une routine qui permet d’avancer, de ne pas s’effondrer, en souvenir d’elle.
La mise en scène est aussi sobre que ce voyage au bout du désespoir. On est sous le charme de l’écriture magnifique, parsemée de métaphores poétiques, restituée par Mickaël Winum au sommet de son art, soutenu par la musique en live de Moone et de subtils éclairages.
Un seul en scène poignant que l’on partage pour ne pas oublier. M-P P. Théâtre Actuel La Bruyère 9e.