VLADIMIR JANKÉLÉVITCH
LA VIE EST UNE GÉNIALE IMPROVISATION

Article publié dans la Lettre n° 402
du 9 novembre 2016


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VLADIMIR JANKÉLÉVITCH LA VIE EST UNE GÉNIALE IMPROVISATION. D’après sa correspondance réunie par Françoise Schwab. Mise en scène et adaptation Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco avec Bruno Abraham-Kremer.
En 1923, Une amitié indéfectible se noue entre deux jeunes gens de vingt ans, Vladimir Jankélévitch et Louis Beauduc, élèves à Normale Sup, une amitié marquée par un échange épistolaire long de soixante années. Les affectations les séparent. Louis s’installe à Limoges où, fondant une famille, il passe sa vie comme professeur de philo dans un lycée de la ville. « Janké », surnommé ainsi par ses élèves, professeur de morale et de métaphysique dans diverses universités, ne se fixe que très tardivement mais ne cesse jamais d’écrire. Le Traité des vertus, entre autres, lui demandera dix ans de labeur.
Vladimir Jankélévitch est pétri de philo comme il est pétri de musique, lui le musicologue et parfait musicien, baigné dans cet art, partie intrinsèque de son existence.
La correspondance initiée en 1923 est le reflet du siècle dans lequel vivent les deux amis. Mais seules les lettres de Vladimir réfèrent les événements des deux décennies qui suivent. Curieusement, les réponses de Louis sont absentes. La raison indigne en est donnée au lendemain de la libération, époque où les lettres se répondent enfin. Les années de guerre sont les années les plus noires pour celui qui a « commis l’inadvertance d’être le fils d’un père russe », juif par sa mère et « métèque » par son père. Pour Janké, exilé à Toulouse sans situation, sans ressources, « l’existence est devenue dangereuse ».
Jusqu’en 1980, date du décès de Louis, les lettres se succèdent. On y découvre la personnalité d’un philosophe aux points de vue visionnaires sur maints sujets, son angoisse de voir sonner le glas de sa discipline dans les lycées, cédant sa place « aux ordinateurs et au Dieu business », et sa hargne à défendre la philo jusqu’au bout. On devine ses réserves lorsqu’il parle de ses confrères philosophes, de Sartre en particulier. Sa pensée couchée sur le papier et commentée par Louis, apparaît toute entière, toujours en mouvement. Ce philosophe du devenir, grand admirateur de Bergson à qui il a consacré son premier ouvrage, est épris de liberté de pensée et n’appartient à « aucune paroisse ». Dénué de tout préjugé, il recherche invariablement « l’accord parfait » entre ses idées et ses actes. Lui qui, après avoir rompu avec l’Allemagne, médite sur le pardon et son impossibilité de pardonner sait inaugurer à temps « une ère nouvelle » en répondant à la lettre bouleversante d’un jeune allemand qu’il conviera chez lui. La mort le surprend peu après, en 1985.
Dans l’une des premières missives destinées à son ami, Vladimir Jankélévitch souligne: « Cette épître mérite une réponse substantielle. Nous écrivons pour la postérité ». Rien n’est plus vrai. Le philosophe fut souvent incompris en son temps mais son œuvre, rééditée, est toujours étudiée et fait l’objet de colloques ou de lectures.
Dès son plus jeune âge, Bruno Abraham-Kremer fut immergé par sa mère dans la philosophie de « Janké ». La correspondance du philosophe qu’il a adapté et qu’il nous livre, est « un souffle d’humour et d’intelligence qui fait du bien ». Cette dédicace est la parfaite illustration de ce spectacle, révélateur de la pensée d’un moraliste doublé d’un métaphysicien hors pair, témoin d’un XXe siècle chaotique. Oui, ce souffle est une bouffée d’air bienfaisante pour nous spectateurs perplexes, voire inquiets, face à un XXIe siècle incertain. M-P.P. Lucernaire 6e.


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