VIENT DE PARAÎTRE d’Edouard Bourdet. Mise en scène Jean-Paul Tribout avec Jean-Paul Bordes, Eric Herson-Macarel, Caroline Maillard, Laurent Richard, Xavier Simonin, Jean-Marie Sirgue, Jean-Paul Tribout.
Cherchez la femme. C’est elle le pivot, le moteur, l’enjeu, dans ce monde presque exclusivement masculin d’éditeurs et d’auteurs, parce qu’elle propulse son mari un peu falot, à son insu, sous les feux de la célébrité, parce qu’elle en négocie les retombées financières, parce qu’elle devient la proie amoureuse des duels de l’imagination créatrice. Quitte à y laisser ses propres illusions passionnelles, mais en retombant finement sur ses pattes…
Dans cette comédie des prix littéraires au cœur des intrigues éditoriales, les conspirations s’enchaînent, faisant fi du talent littéraire. Il s’agit d’être le premier, à publier, à écrire, à paraître. Jeux de miroirs et de dupes, où les appétits financiers et les blessures de la vanité l’emportent sur les sentiments vrais, où la séduction se fait vampirique. On pille les journaux intimes, on les provoque même, on feint ou monnaie l’amour, pourvu qu’il soit source d’inspiration littéraire. Quant à lire les textes eux-mêmes, est-ce bien nécessaire ?
Le décor des trois lieux successifs est presque minimaliste, ce qui le rend d’autant plus suggestif. Agitation bourdonnante de ruche de la maison d’édition, intimité confinée du couple petit-bourgeois, alignement ensoleillé des chaises longues de la villégiature. Toujours des portes.
La mise en scène est alerte et entraîne la ronde des acteurs dans ce qui se satisferait de la légèreté du vaudeville, truffé de bons mots et de saillies convenues. Mais, au-delà des portes qui claquent et de l’éternel trio amoureux et de ses chausse-trapes, ce serait méconnaître le cynisme affiché ou plus larvé de ce petit monde, qui n’a pas pris une ride, d’autant plus évident en ces temps de rentrée littéraire.
Un joyeux moment, grinçant avec le sourire, qui fait réfléchir sur ce qui nourrit l’inspiration et la création. A.D. Théâtre 14 14e.