LES VIBRANTS

Article publié dans la Lettre n° 418
du 13 mars 2017


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LES VIBRANTS de Aïda Asgharzadeh. Mise en scène Quentin Defalt avec Aïda Asgharzadeh, Benjamin Brenière, Matthieu Hornuss, Amélie Manet.
Quand l’absurde boucherie de 1916 sème les Gueules Cassées, la bouche faite pour le baiser se fait gouffre baveux, le nez s’atrophie, le désespoir s’installe, irrémédiable, terrifiant, suicidaire. De bandages en prothèse, le bel Eugène n’a plus désormais que la grimace et la répulsion pour quotidien, malgré la sollicitude de son infirmière Sylvie. Et pourtant, dans son paysage de désespérance, passent alors la prothèse de Sarah Bernhardt, son irréductible enthousiasme gouailleur et grondeur, ses projets insensés de rédemption par l’enchantement du théâtre. Rien ni personne ne pourrait l’empêcher de donner de la joie aux soldats revenus du front et de tout, de forcer Eugène à vibrer encore. Croire pour faire croire, vibrer pour faire vibrer. Cyrano est convoqué, et le nez en creux se fera nez en trop.
Pour évoquer tour à tour l’univers des tranchées, de l’hôpital, des coulisses, la mise en scène choisit, avec une réussite sans fausse note, de cloisonner les espaces par de simples tentures translucides de tulle ensanglanté, aussi mobiles que les moments évoqués, derrière ou devant lesquelles quelques lits ou chaises rudimentaires dessinent les contours de l’horreur de la guerre, d’un bureau feutré de la Comédie Française, de la chambre d’agonie de la grande Sarah, du plateau déserté où Eugène-Cyrano la pleure. Jeu d’ombres et de lumière, vacillement du désir de survivre, mort et résurrection par l’artifice du héros.
Les masques hideux des estropiés de la Grande Guerre ne sont pas escamotés, témoignages vivants de l’horreur que le théâtre peut sinon guérir, du moins amender, transcender. Formidable hommage à ce théâtre salvateur, le texte et le jeu virevoltant des quatre acteurs, - on les croirait tellement plus nombreux qu’on les compte avec étonnement lors des saluts ! -, sont portés par un jeu subtil de lumières alternées et de fonds sonores évocateurs.
Magnifique moment de vibrations multiples. On en redemande. A.D. Théâtre de la Reine Blanche 18e.


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