LA VÉNUS À LA FOURRURE

Article publié dans la Lettre n° 374
du 17 novembre 2014


LA VÉNUS À LA FOURRURE de David Ives. Adaptation Anne-Elisabeth Blateau. Mise en scène Jérémie Lippmann, assisté de Aurélie Bouix. Avec Marie Gillain et Nicolas Briançon.
Vanda avec un « V » fait irruption dans les rangs de l’orchestre d’un théâtre miteux new-yorkais au moment où Thomas Novachek, l’adaptateur du roman « La Vénus à la fourrure », s’apprête à quitter les lieux, épuisé d’avoir auditionné « trente-cinq comédiennes de merde ». Découragé, il considère cette apparition vulgaire, vêtue d’une mini-jupe, d’un gilet en cuir et dotée d’un collier de chien, à cent lieux de la comédienne qu’il recherche pour le rôle, et se demande une fois de plus où est passée la féminité. Bien décidé à ne pas écouter une candidate supplémentaire, il refuse de l’entendre. Vanda insiste, il s’énerve : « je cherche quelqu’un de différent »… « J’ai vu défiler une armada de cas sociaux ». Après une brève passe d’armes où elle contrecarre chacun de ses arguments, elle le convainc de l’écouter quelques minutes. D’un cabas informe où sont entassés pêle-mêle accessoires et costumes, elle en sort une robe longue qu’elle enfile prestement. Stupéfait par la métamorphose de l’inconnue qui, plus est, porte le nom du personnage, il la laisse dire les premières répliques. Il l’est encore davantage lorsqu’il réalise qu’elle s’est procurée le tapuscrit de l’adaptation qu’il en a faite, qu’elle en connaît tous les dialogues et qu’elle possède même dans son sac le roman de l’écrivain autrichien Léopold Sacher-Masoch dont le patronyme a donné naissance au terme « masochisme ».
L’intrigue de ce roman scandaleux publié en 1870 est simple. Dans une auberge au fin fond des Carpates, Wanda Von Dunajew, une jeune veuve, jette son dévolu sur Séverin, un gentilhomme qui nourrit une grande passion pour la figure antique de Vénus. Wanda lui apparaît immédiatement comme l’incarnation de la déesse de l’amour. Il en tombe follement amoureux au point de signer un contrat établissant sa soumission totale aux moindres désirs de « sa Vénus à la fourrure » et de la suivre aveuglément au gré de ses pérégrinations et de ses exigences.
Seuls dans le théâtre obscur dont les fondations sont ébranlées par un orage, ne s’interrompant que pour donner de rapides coups de fil à leur conjoint respectif, Thomas et Vanda poursuivent leur lecture et s’affrontent sur deux terrains : celui de leur propre personne et celui de leur personnage. Thomas est séduit par la jeune femme mais qui est-elle vraiment et que lui veut-t-elle ? L’adaptateur méprisant du début perd pied peu à peu, aux prises avec Vanda qui, à l’image de Wanda, son personnage, tisse peu à peu les fils d’une toile dans laquelle elle l’enferme sans qu’il s’en rende compte. L’adaptateur devient metteur en scène, puis comédien, puis serviteur, sous l’emprise de la comédienne qui, elle-même, se métamorphose en metteur en scène puis en bourreau. Jérémie Lippmann excelle à rendre palpables la sensualité de la pièce, le jeu sado masochiste qui s’instaure entre Wanda et Séverin et la perversité que ce jeu provoque entre Vanda et Thomas. Les deux comédiens sont époustouflants. Marie Gillain interprète avec force deux personnages totalement opposés. Suivre le travail de mise en scène et d’interprétation de Nicolas Briançon depuis ses débuts est un véritable bonheur. Théâtre Tristan Bernard 8e. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici


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