LE VENT DES PEUPLIERS

Article publié dans la Lettre n° 211


LE VENT DES PEUPLIERS de Gérald Sibleyras. Mise en scène Jean-Luc Tardieu avec Georges Wilson, Jacques Sereys, Maurice Chevit.
Une belle terrasse circulaire, ocre sous le bleu du ciel, surplombe la vallée. Au loin, une colline où dodelinent des peupliers caressés par la brise, promesses de liberté. Un chien en pierre monte la garde. Si les hommes passent, lui demeure. Trois anciens combattants, encore dans la force de l’âge, défendent avec la même fougue qu’ils le firent autrefois contre l’ennemi, ce dernier bastion contre l’irruption des autres pensionnaires de la maison de retraite où ils achèvent leur vie. Habitués à commander, deux d’entre eux ont du mal à dételer. Gustave, est la grande gueule du trio. Installé là depuis six mois, il n’adresse la parole à personne sauf à ses deux compères et râle sur tout. Même les saisons n’ont pas grâce à ses yeux. Il morigène souvent René, trop conciliant à son goût et a à son égard des formules lapidaires. « Il est né enthousiate. Et quand il sera mort, il fera un cadavre enthousiaste »! Fernand, handicapé par un éclat d’obus resté fiché dans sa boîte crânienne et qui lui provoque des pertes de connaissance de plus en plus nombreuses, est obnubilé par les anniversaires. Soeur Madeleine n’en fête jamais deux le même jour. De là à penser qu’elle s’arrange pour faire passer de vie à trépas l’un des deux pensionnaire nés à une date identique, il n’y a qu’un pas. L’arrivée d’un général natif du 12 février comme lui et en pleine forme achève de l’affoler. Que faire? L’assassiner ou prendre la fuite...vers la colline aux peupliers? Cette solution retient l’adhésion des trois compères car elle est source d’évasion, d’aventures, donc de jeunesse retrouvée. Mais Gustave y met une condition aussi surprenante qu’irréalisable...
Avec son complice Jean Dell, Gérald Sibleyras nous a régalés il y a quelques mois d’une excellente comédie Un Petit jeu sans conséquence (n°203). Avec Le Vent des peupliers, il fait cavalier seul avec la même verve, explorant cette fois les affres de la retraite. Son texte acide, cruel, ironique dépeint à merveille le caractère et les humeurs de trois fortes personnalités, d’hommes qui ont été mais ne sont plus et dont fanfaronnades et vantardises demeurent les seuls substituts à leurs rêves de gloire perdue. La teneur des répliques et la mise en scène subtile offrent aux comédiens une prestation d’égale importance. Ils sont époustouflants, chacun dans un rôle taillé sur mesure. Georges Wilson tout en hargne, Maurice Chevit tout en nuance, Jacques Seyres miné par l’angoisse, sont impressionnants de naturel et d’authenticité. Ils savent faire rire ou émouvoir, grâce à un dialogue percutant qui frappe juste et fort. Eblouissant! Théâtre Montparnasse 14e.


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