UNE SOURIS VERTE

Article publié dans la Lettre n° 280


UNE SOURIS VERTE de Douglas Carter Beane. Adaptation Jean-Marie Besset. Mise en scène Jean-Luc Revol avec Raphaëline Goupilleau, Julie Debazac, Arnaud Binard, Edouard Collin.
Dans la chambre d’un hôtel new-yorkais, Diane (Raphaëline Goupilleau) savoure la victoire de Mitchell (Arnaud Binard), son comédien chéri, qui vient de recevoir un prix. Elle est encore toute émue en repensant au petit discours qu’il a prononcé, lui dédiant cette distinction, et jetant par la même le doute sur leurs véritables relations. « Je suis lesbienne, il est pédé … le couple idéal ! », conclue-t-elle ravie.
Avant de s’endormir et de cuver l’alcool qu’il a ingurgité toute la soirée, Michaël a téléphoné à une agence de rencontres. Alex (Edouard Collin), un jeune plutôt paumé dans une société où il tente de trouver sa place, se présente. Il a bien une petite amie, la craquante Ellen (Julie Debazac), mais ces rendez-vous galants lui permettent de payer son loyer. A voile et à vapeur l’un et l’autre, Mitchell et Alex font connaissance.
Si Los Angeles, temple du cinéma, ne ressemble en rien à New-York, temple du théâtre, ces deux villes ont un point commun : la même soif pour leurs habitants des incontournables « argent, gloire et beauté ». Avant son retour à Hollywood, Diane met ces quelques jours passés à New-York à profit pour bâtir un nouveau projet pour Mitchell et jette son dévolu sur une pièce dont le personnage principal est homosexuel, l’auteur y tient. Acheter les droits se révèle périlleux. Autrefois malmené par des scénaristes hollywoodiens, celui-ci se refuse à toute proposition d’adaptation pour le cinéma. Elle finira par emporter le morceau. Changer l’homo en hétéro sera cependant le parcours du combattant, d’autant que son poulain lui pose un sacré problème : il affiche de plus en plus sa relation avec Alex et c’est très mauvais pour l’image de l’acteur auprès de ces dames ! « Si un acteur tenu pour hétéro joue un rôle de pédé dans un film, c’est noble. Il montre l’étendue de son talent […]. Mais si un acteur qui a un ami joue un rôle de pédé, c’est plus de l’art, c’est de la provocation » ! Alex, de son côté, n'est pas épargné : Ellen qu'il avait quittée se manifeste et lui expose un contretemps fâcheux. Il va falloir toute la rouerie de Diane pour trouver la solution idéale à l’équation que représente pour elle ces trois jeunes gens.
Jean-Marie Besset, adapte cette dernière oeuvre de l’auteur américain Douglas Carter Beane, mais la première à l’être en français. Sa nomination en 2007 pour le Tony Award de la meilleure pièce est une référence. Les répliques pleines d’un humour caustique fusent, d’autant plus brillantes que le dialogue pourrait déraper dans la vulgarité et les situations devenir graveleuses. Le monde du cinéma et du théâtre vu par Douglas Carter Beane est épinglé de façon assez corrosive. Jean-Marie Besset qui connaît bien le milieu s’en donne à cœur joie. Jean-Luc Revol en exploite l’esprit résolument moderne par une mise en scène enlevée, grâce à un décor très habile qui permet des changements de lieux rapides. Les comédiens sont formidables, jouant sur le fil du rasoir, ne tombant jamais dans la caricature. On appréciera la variété des costumes, ponctuant ainsi avec souplesse le temps qui passe. Quant au titre de la pièce, lui aussi adapté, vous devrez attendre la fin pour en comprendre le sens ! Théâtre Tristan Bernard 8e (01.45.22.08.40).


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