UNE VIE

Article publié dans la Lettre n°536 du 8 décembre 2021


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UNE VIE d'après Maupassant. Mise en scène Richard Arselin. Avec Véronique Boutonnet et Victor Duez.
Jeanne. Elle a dix-sept ans, la pureté et la transparence d'une jeune fille à qui le statut aisé et le couvent, sans doute, ont épargné jusqu'alors la brutalité de ce qui l'entoure, la trivialité de la vie ordinaire, des domestiques, des réalités quotidiennes. Ainsi peut-elle s'offrir le luxe rafraîchissant de la naïveté et des illusions romantiques, les rêveries en filtre de la vraie vie, l'ivresse des promenades vers la mer. Le monde lui est ouvert, celui de l'amour en particulier. Et elle va tomber, en proie facile, dans le piège de la séduction du vicomte Julien. Fiançailles rapides, mariage accéléré, voyage de noces dans l'Île de Beauté, la Corse. Printemps des découvertes, été de l'incandescence des sentiments. Mais l'automne est bientôt là, avec son cortège de désillusions, de trahisons. Julien tombe rapidement le masque du chevalier servant courtois, pour s'avérer brutal, volage et sans scrupules, le fils Paul sera un joueur invétéré, menant sans état d'âme sa mère et la fortune familiale à leur perte. La vie de Jeanne n'est désormais qu'un long hiver de deuils successifs, sans lueur autre que les souvenirs auxquels elle s'accroche près d'un âtre froid et humide. Seul éclair de chaleur au milieu de cette lente déchéance, la présence stimulante de Rosalie, fille du peuple abusée par les appétits sensuels de Julien, à qui n'est laissé que le choix de sa volonté énergique et de sa revanche sociale.
Pour cheminer dans ce parcours d'une vie d'aveuglement, d'innocence bafouée, de luminosité éteinte, le propos théâtral, très judicieux, prend le parti d'un dialogue entre une mère et son fils qui se renvoient la balle amusée et indulgente des divers personnages, tendres ou truculents, aristocrates hypocrites et paysans roués. Et cette fresque se coule dans la langue fluide et si efficace de Maupassant.
Véronique Boutonnet et Victor Duez confèrent à ce récit une lumière ondoyante dans les reflets diaprés de leurs sarouels, dans la fraîcheur des rideaux agités par le vent, léger comme le refus de s'appesantir, comme les accords de la guitare qui scandent leurs chansons, dans les sourires échangés. Leur complicité s'inscrit dans l'humour jusqu'à la tendresse de la conclusion, la petite-fille dans les bras enfin apaisés de Jeanne.
Des moments à venir déguster sans restriction. A D. Théâtre Essaïon 4e.


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