SUPERBARRIO, LA JOYEUSE ET PROBABLE HISTOIRE…

Article publié exclusivement sur Internet avec la Lettre394
du 21 mars 2016


SUPERBARRIO, LA JOYEUSE ET PROBABLE HISTOIRE… Texte et mise en scène Jacques Hadjaje avec Ariane Bassery, Isabelle Brochard, Sébastien Desjours, Anne Didon, Guillaume Lebon, Delphine Lequenne, Laurent Morteau et Marc Bollenger (musique).
1985, la terre a tremblé à Mexico. Une année plus tard, les ruines sont toujours là. Et Miguel, le Red Angel de lucha libre de ces quartiers populaires sinistrés, se mue en Superbarrio, défenseur des pauvres et des sans-logis, avec sa défroque rouge et or un peu défraîchie, un peu serrée aux entournures, sur sa mobylette qui ne veut pas démarrer. Voilà comment, entre autodérision et enthousiasme, on devient un héros acclamé par les foules, jusqu’au sommet de la statue, jusqu’à s’enivrer de rêves de présidence, avant de revenir à plus de bon sens, mais sans perdre cette fougue attendrissante de chevalier des temps modernes. Et Superbarrio ose braver les puissants, la méchante Madame Soledad assise sur son tas d’or et son mépris de la populace, flanquée de la servile Jimenez. Les femmes entourent le héros de leur tendresse, Dolores la sœur si dévouée qu’elle en a oublié d’être heureuse, Catalina qui dévoile son corps aux hommes mais n’a de cœur que pour son seul amour et se console avec des sucreries, et même le travesti Ramon qui pleure sur sa vie amère de paillettes sans lueur. Il y a surtout l’irruption surnaturelle d’un ange si naturel, Ludivine tombée du ciel avec, dans la tête, un guide touristique, une liste de consignes à respecter, un rapport à écrire, mais qui brûlera ses ailes à la réalité terrestre. Improbable passant lui aussi, Ernesto, qui a perdu le pouvoir de ses sorts, erre le long du canal avec le pavé de son suicide, mais va trouver des raisons d’exister enfin.
Il y a bien sûr, comme dans toute bonne intrigue populaire, le Judas de service, le Cousin Pepe, traître minable par jalousie. Mais les gentils triomphent à leur manière, la méchante patronne s’inclinera, le petit révolutionnaire de quartier reviendra, avec la douleur de son amour perdu, sur une terre plus lucide, mais non moins pleine de rêves, simplement un homme, avec des jambes pour se tenir debout et des mains pour caresser ou pour se battre. Il tombera encore, il le sait, mais se relèvera sans se retourner, et marchera encore et encore…
Une rue de quartier pauvre, le linge sèche, les murs sont couverts de graffiti. Les intrigues s’y entremêlent avec rapidité. Par moments, la palissade s’ouvre sur le clinquant d’une boîte de strip tease, ou l’antre perché du bureau de la méchante industrielle. Catalina noie ses rêves dans un bain de plumes à roulettes, Superbarrio s’énerve sur sa mobylette muette, le canal est plein de brouillard.
Vivement colorée, la fresque de la Vierge est le témoin omniprésent des confrontations et s’entrouvre pour prêter l’oreille aux confidences d’amour ou aux désillusions sans amertume.
Ni répit ni langueur dans cet entrelacs de tableaux entre rêve et réalisme, rire et naïveté, que rythment en direct les modulations de la contrebasse, de la guitare, du violon et de l’accordéon.
Une magnifique leçon d’humanité et de tendresse, comme le tremblement de la terre, comme l’onde du choc des cœurs, comme le goût délicieux d’un chocolat de grand-mère, au piment et à la vanille. A.D. Théâtre 13 / Seine 13e.

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