SIGNE DUMAS

Article publié dans la Lettre n° 220
du 24 novembre 2003


SIGNE DUMAS de Cyril Gely et Eric Rouquette. Mise en scène Jean-luc Tardieu avec Francis Perrin, Thierry Fremont, Maxime Lombard.
En février 1848, Alexandre Dumas est au faîte de sa gloire. Le Château de ses rêves, dont il habite un bâtiment, est en plein chantier et même s’il lui coute une fortune, il croque à pleines dents les plaisirs de la vie. Il doit cependant écrire de plus en plus et plus vite afin d’honorer ses créanciers. A ses côtés, dans l’ombre depuis dix ans, Auguste Maquet, son nègre, travaille. Aussi effacé et introverti que son associé est expansif, c’est lui qui crée les canevas de tous les romans de Dumas. Durant ces années, cette collaboration efficace est devenue indispensable à l’un comme à l’autre. Dumas serait perdu sans Maquet, tout comme celui-ci n’a aucun succès seul.
Le 24 février va être une date fatidique pour les deux hommes. Louis-Philippe vient d’abdiquer en faveur de son petit-fils le Comte de Paris. La nouvelle, sous forme de dépêche, apportée par le maréchal des logis Mulot (Maxime Lombart, parfait), surexcite Dumas, persuadé de pouvoir jouer un rôle politique aux côtés de la Régente, la Duchesse d’Orléans. Ne pouvant regagner la capitale, il veut adresser un message au peuple français, à la Chambre des Députés. Maquet qui garde la tête froide, l’engage à n’en rien faire, voyant déjà poindre une Seconde République. Une vive discussion s’engage entre les deux hommes durant laquelle Dumas interloqué va découvrir la face cachée d’Auguste Maquet. Les griefs et la rancune accumulés se succèdent puis les menaces, Maquet ayant depuis longtemps réuni des preuves de leur étroite collaboration. Si l’excellente pièce de Cyril Gely et d’Eric Rouquette met remarquablemnt en lumière le contexte politique révolutionnaire de l’époque, il décrit avec brio l’empoignade entre les deux hommes. Dumas massif, tonitruant, aveuglé par son ascension et ivre de gloire s’échauffe, tandis que Maquet, jusqu’ici en retrait et falot, sort de son impassibilité et vide son sac devant un homme qui n’en peut mais de découvrir un secrétaire qu’il méprisait et qu’il a un peu trop sous-estimé.
L’intérêt de la pièce réside aussi dans l’une des facettes de l’intrigue: l’importance que confèrent l’apparence et la notoriété. Dorénavant célèbre, Alexandre Dumas est convaincu que quoique fasse Maquet, il passera à la postérité et que son nom sera celui que retiendront les générations futures. Mais il réalise malgré tout qu’il ne peut pas se passer de lui. Maquet, lui, sait pertinemment qu’il ne vit qu’à travers Dumas (il perdra d’ailleurs le procès qu’il lui intentera dix ans plus tard). Il ne sera jamais que l’ombre de son ombre mais il se sait indispensable. Il faudra donc composer. Francis Perrin fait une composition saisissante d’Alexandre Dumas énorme, hirsute, gonflé de son importance, qui tonne et vitupère face à un Maquet joué avec une formidable efficacité par Thierry Fremont, lorsqu’il sort de son ombre et se révèle. Un décor bien dans le ton et une mise en scène tout en finesse d’un Jean-Luc Tardieu très inspiré font de ce spectacle l’un des meilleurs du moment. Marigny Robert Hossein Salle Popesco 8e (01.53.96.70.20).


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