LE SERMENT D’HIPPOCRATE

Article publié dans la Lettre n° 420
du 27 mars 2017


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LE SERMENT D’HIPPOCRATE de Louis Calaferte. Mise en scène Patrick Pelloquet avec Gérard Darman, Pierre Gondard, Patrick Pelloquet, Christine Peyssens, Yvette Poirier, Georges Richardeau.
« Bon Maman » s’effondre dans le salon, tandis que sa fille Madeleine, son gendre Lucien et Papa le père de ce dernier en arrivent au fromage. Affolement scandé de règlements de comptes conjugaux, indignation de l’autre ancêtre intempestivement privé de dessert, on finit par appeler le docteur. Le médecin de famille est parti à la chasse, a-t-on idée ! Deux praticiens vont se succéder, Blondeau père et fils, au chevet de la syncopée qui s’est entre temps réveillée, ne se plaint de rien, petite chose fragile malmenée par les deux médecins qui s’acharnent sans aucun égard sur son corps-objet. Les diagnostics divergent, l’un plaide pour l’intestin, l’autre pour le foie, avec la même faconde hautaine et tyrannique. Ah, que le monde médical serait beau si on pouvait se passer du malade, pour se consacrer à la seule maladie… Les prescriptions délirantes se complètent, devant le couple Madeleine-Lucien qui acquiesce, fasciné par le savoir de la Faculté. « Bon Maman » se rebiffe, mais on la fera taire manu militari. En fond de scène, Papa rêve d’une auscultation, dont il aurait d’ailleurs sans doute besoin, et sa surdité réjouissante, doublée d’une goinfrerie sans pause, donne un écho jubilatoire et signifiant à l’incompétence médicale. Tripes, foie, pourquoi pas le cœur ? Le jeu est sans fin.
Cette noria de répliques hilarantes, de poncifs éculés, d’envolées lyrico-médicales, se déroule dans le salon d’un intérieur ordinaire, autour du canapé de l’auscultation et des involontaires galipettes de la patiente, qui mérite bien son nom ! Le rire fuse à chaque instant, tant il est sollicité par les métaphores involontaires et les comparaisons imagées, dont le cynisme est involontaire, et par la gestuelle acrobatique, en contraste avec la prostration craintive du couple des enfants. Le sourd questionne sans cesse, attisant l’exaspération de son fils dérangé dans son écoute obéissante de la science étalée des deux servants d’Hippocrate. Molière y retrouverait sans conteste ses malades imaginaires. Le rythme est enlevé, la syncopée se voit manipulée comme une marionnette, les personnages sont campés sans méchanceté de caricature, et on sent, derrière ces portraits-charges, une réelle tendresse pour des petites gens crédules par ignorance, désarmants de frilosité face à l’omnipotence vaniteuse des pseudo-détenteurs de savoir.
Est-on vraiment à l’abri de la suffisance d’un tel charlatanisme ? La pilule passe tellement mieux dans le rire. Théâtre 14 14e.


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