LA RÉVOLTE

Article publié dans la Lettre n° 451
du 28 mars 2018


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LA RÉVOLTE d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam. Mise en scène Charles Tordjman avec Julie-Marie Parmentier, Olivier Cruveiller.
Félix exulte. En quatre ans,  sa fortune a triplé. À l’origine de ces profits, Élisabeth, son épouse, qui tient sa comptabilité et opère les placements. Il n’a que des compliments à faire à cette épouse avisée, économe, qui tient de surcroît parfaitement son ménage. Ce soir Élisabeth a donné congé aux domestiques, elle achève à minuit ses dix heures de travail.  Les compliments de Félix la laissent froide. L’indifférence qu’elle éprouve à son égard s’est affirmée durant ces années de désillusions. Elle espérait autre chose que cet enfermement au service d’un époux dénué de tout charisme, uniquement préoccupé par l’argent. Elle attendait « le rêve ». Elle est restée bloquée là, mère d’une petite fille, prisonnière d’une tâche qu’elle abhorre. Mais cette nuit est celle de la révolte. Elle a soigneusement préparé son départ et n’hésite même pas à laisser son enfant derrière elle. Elle en annonce posément les raisons à Félix, sans cris, sans larmes. Loin de la prendre au sérieux, il se moque, tente de la raisonner, suppose une liaison, puis se fâche et la somme de calmer cette « imagination dévergondée ». Il doit pourtant se rendre à l’évidence lorsque les sabots des chevaux de la voiture qu’elle a commandée se font entendre dans la cour. Son départ le laisse pétrifié et lui provoque un malaise. Lorsqu’il reprend conscience, elle est là devant lui. N’a-t-elle pas jugé sa fuite trop tardive ?
Les œuvres théâtrales d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam (1838-1889), restées pour la plupart incomprises à son époque, ont survécu à l’oubli. Il analyse avec une sobre clarté, parfaitement maîtrisée par la mise en scène, les sentiments éprouvés par Élisabeth tout au long de ce long cheminement entre sa prime jeunesse, un mariage de convenance et sa révolte. Loin des carcans de son temps, il la veut intelligente et libre face à un époux obtus qui, comme ses contemporains, considère la femme comme une mineure sans droits, un oiseau sans cervelle, qu’il faut dominer avec fermeté. Julie-Marie Parmentier et Olivier Cruveiller offrent une interprétation éclatante de ce drame nocturne qui distille des idées trop novatrices pour son siècle et se referme sur une dernière réplique d’une insondable tristesse. M-P.P. Théâtre de Poche Montparnasse 6e.


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