LA REGLE DU JEU

Article publié dans la Lettre n° 231


LA REGLE DU JEU d’après le film de Jean Renoir. Mise en scène et conception scénique Virgil Tanase avec 12 comédiens dont Pierre Azema, Armelle Lecoeur, David Legras, Alice Cambournac, Luc Sonzogni.
Le Marquis Robert de la Chesnaye mène grand train: hôtel particulier à Paris, château en Sologne, maîtresse coquette et épouse élégante, il possède les signes extérieurs de sa position sociale. Robert est ennuyé. Son épouse Christine est courtisée par un aviateur qui, comble de cuistrerie, réalise l’exploit de traverser l’Atlantique en moins de vingt-quatre heures et dédie ce record à la belle marquise. Epoux légitimes, amants transis, cocus imaginaires et réels, parasites mondains sont réunis dans un château pour une partie de chasse où le lièvre n’est pas forcément un animal à quatre pattes.
Cette histoire est le scénario du film de Jean Renoir. Que reste-t-il du chef-d’oeuvre une fois adapté à la scène? Une fois tous nos a priori laissés au vestiaire, nous sommes agréablement surpris par la réussite de cet ambitieux projet. Bien sûr, il manque les fabuleux plans de Renoir, les mouvements de caméra, le tempo du montage. Enfin, il manque la matière filmique. Mais Virgil Tanase a opté pour le texte et il est vrai que l’on savoure les dialogues. Virgil Tanase n’a pas cherché à reproduire le cadre de la caméra, ni à reconstituer un faux semblant de film. Pour suivre le scénario qui se déroule dans plusieurs lieux à la fois, mélangeant les intrigues, le metteur en scène a choisi un décor unique, une forêt aux teintes automnales. Des accessoires signifiants comme les différents lieux: un miroir pour les appartements de Christine, un fauteuil pour le salon du château, une palissade pour la célèbre partie de chasse. On fait crédit à l’imaginaire du spectateur qui joue le jeu. Le jeu, voilà le maître mot de l’intrigue qui n’est pas sans rappeler Marivaux. Maîtres et valets font un chassé-croisé amoureux en prenant bien garde de respecter les convenances et de préserver les apparences. Chacun doit respecter l’hypocrisie sociale, sinon il sera mis au ban de la société ou sacrifié sur l’autel de la bienséance.
Cette « règle du jeu » fait partie des bonnes surprises assez rares de cette rentrée. Les comédiens peu connus du grand public relèvent gaillardement le gant du défi qui leur était jeté. Passer après Dalio, Roland Toutain, Paulette Dubosc et Renoir, était une épreuve qu’ils ont réussie. Pierre Azema succède à Jean Renoir dans le rôle d’Octave le confident. Il est meilleur que l’illustre créateur du rôle, donnant une maturité et une justesse de ton à son personnage. Mais la découverte de ce spectacle est Armelle Lecoeur qui joue Lisette. Elle correspond à son patronyme, elle est mignonne comme un coeur, fine comme une mouche. Elle succède à Paulette Dubosc. Les deux comédiennes se sont rencontrées, reconnues comme une grand-mère qui donne un bijou à sa petite-fille. Armelle Lecoeur est de l’eau vive, ne la laissez pas passer sans la retenir. Le Trianon 18e.


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