LA PROFESSION DE MADAME WARREN
(mise en scène Michel Fagadau)

Article publié dans la Lettre n° 227


LA PROFESSION DE MADAME WARREN de George Bernard Shaw. Adaptation et mise en scène Michel Fagadau avec Clotilde Courau, Judith Magre, Jacques Boudet, Gérard Caillaud, Jean-Pierre Moulin, Clément Sibony.
Aussi loin qu’elle remonte dans le temps, Vivie n’a aucun souvenir de sa mère. Les nurses, les pensions chic ont jalonné son enfance et sa jeunesse. Aujourd’hui diplômée de Cambrige, elle aspire à une vie active de femme indépendante. Comme toutes les jeunes filles de son âge, elle juge selon ses propres critères, sa propre intransigeance et selon une vision idéalisée de la société. Des vacances vont lui permettre de mieux connaître cette mère dont elle ne sait rien mais aussi de faire l’apprentissage du monde dans lequel elle évolue. Madame Warren est heureuse de retrouver sa fille. Elle a travaillé dur pour que Vivie ne manque de rien et a particulièrement soigné son éducation afin qu’elle ait une vie plus facile que la sienne. Aujourd’hui très riche, elle est fière de sa réussite même si celle-ci est basée sur l’exploitation de plusieurs maisons closes. Lorsqu’elle la met au courant de ses activités, Vivie se montre choquée. Cette vision ne correspond pas à la sienne mais elle semble comprendre que sa mère n’a guère eu le choix des moyens.
Judith Magre endosse ce rôle avec une formidable aisance et met remarquablement en valeur le parcours éprouvant de cette femme de tête qui a connu bien des vicissitudes et des humiliations. Sa réussite, elle ne la doit qu’à elle-même, à son esprit d’entreprise et à l’aide pas tout à fait désintéressée de Sir Croft, individu de cinquante ans, à la position sociale bien établie. S’il a financé les activités de Madame Warren, il en a profité. Gonflé de son importance, il propose le mariage à Vivie, seul salut selon lui, pour toute jeune fille à cette époque. Gérard Caillaud joue avec talent ce personnage détestable, imbu de lui-même et de sa fortune qui ne peut que lui ouvrir toutes les portes. Sa goujaterie sera la réponse au refus de Vivie et les révélations qu’il lui lancera au visage vont définitivement réveiller la jeune fille. Franck, fils de pasteur, amoureux intéressé, auquel Clément Sibony prête joliment bien sa désinvolture, et Praed, l’ami de la famille, rôle tout en finesse tenu par Jacques Boudet, ne sauront ni la raisonner ni la consoler.
Si la pièce de George Bernard Shaw est un plaidoyer pour les femmes car elle met l’accent sur leur statut peu enviable et sur l’exploitation des hommes à leur égard, elle est aussi une satire au vitriol sur cette société hypocrite, charnière de deux siècles, dont il dénonce toutes les tares. Scandalisant l’opinion bien pensante de l’époque, elle fut interdite en Angleterre à sa création et fut d’abord jouée aux Etats-Unis avant de revenir en Europe. Michel Fagadau a choisi de situer l’action dans les années 30, époque correspondant mieux, selon lui, au désir d’indépendance des femmes. Le manque de rythme de sa mise en scène se fait parfois sentir malgré l’excellente prestation des comédiens. Le joyau de cette distribution reste Clotilde Courau. Délicieuse Vivie, elle fait évoluer, tout au long de ce drame, un personnage qui s’éveille douloureusement à la vie. Comédie des Champs-Elysées 8e. Lien:
www.comediedeschampselysees.com


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