LA PREUVE

Article publié dans la Lettre n° 206


LA PREUVE de David Auburn. Adaptation Jean-Claude Carrière. Mise en scène Bernard Murat avec Anouk Grinberg, Rufus, Anne Consigny, Michaël Cohen.
Dans un quartier de Chicago, une vieille maison en bois, agrémentée d'un jardinet, tient encore debout par miracle. Nicolas Sire plante très joliment le décor, écrin d’une histoire simple, celle de Catherine qui fête seule ses 27 ans. Seule? Peut-être pas. Son père Robert, décédé depuis une semaine et que l’on va mettre en terre dans quelques heures, vient interrompre sa solitude... une bouteille de champagne à la main! Il n’a pas oublié. Etrange dialogue que celui du disparu et de sa fille, qu’elle seule « voit », et qu’une passion commune lie: les mathématiques. Dans sa jeunesse, Robert, éminent professeur à l’université, avait, par ses découvertes, révolutionné le monde de l'économie. Puis la déraison avait peu à peu envahi son esprit. Cinq ans avant sa disparition, Catherine avait tenté de s’éloigner de ce père trop envahissant, pour mener de son côté un cursus dans une autre université, mais elle avait fini par céder aux instances paternelles et avait vécu ces dernières années en vase clos, ses études interrompues, avec un père dont l’esprit divaguait un peu plus chaque jour et qui remplissait des petits carnets de notes incompréhensibles. Maintenant seule, la jeune femme se retrouve complètement désemparée. Hal, un ancien disciple du maître qui a dirigé sa thèse, lui a arraché la permission de consulter les fameux carnets dans l’espoir d’une découverte. C’est alors que Claire, la soeur de Catherine, arrive de New York, où elle a fait sa vie, pour l’enterrement. Elle n’a qu’une idée en tête: vendre cette maison et emmener avec elle sa soeur qu’elle ne croit pas tout à fait saine d’esprit. Mais Catherine possède une clé, qu’elle finit par donner à Hal. Ce simple objet ouvrira-t-il pour elle le monde de la liberté ou celui de l’enfermement?
Bernard Murat maîtrise avec talent une mise en scène où il faut jouer subtilement avec le personnage central du père, entre apparitions et retours en arrière. Il parvient en outre à distiller avec une impressionnante efficacité le suspense qui plane sur la chute de l’histoire. Il faut dire que la pièce, magnifique, de David Auburn, qui remporte un énorme succès depuis deux ans à Londres et à New York, touche remarquablement du doigt les relations familiales, les rivalités, les intérêts individuels, l’égoïsme ainsi que l’affection d’un père et de sa fille, cimentée par une passion commune. Les comédiens sont tous excellents. Anouk Grinberg exprime avec justesse le personnage à la fois fort et fragile de Catherine, Anne Consigny, celui de la soeur dont le machiavélisme est dicté par l’intérêt et Michaël Cohen celui du disciple admiratif et de l’amoureux maladroit. Quant à Rufus, il campe avec maestria le rôle complexe du père aimant et exclusif. Théâtre des Mathurins 8e (01.42.65.90.00).


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