PIÈGE POUR CENDRILLON

Article publié dans la Lettre n°488 du 16 octobre 2019


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PIÈGE POUR CENDRILLON d’après Sébastien Japrisot. Adaptation Aïda Ascharzadeh. Mise en scène Sébastien Azzopardi. Avec Alyzée Costes, Nassima Benchicou, David Talbot, Aurélie Boquen. Qui est qui ? C’est la question que se pose logiquement tout individu au sortir d’un grave accident, miraculé mais amnésique. Michèle, dite Mi, émerge de la tente stérile qui a permis sa récupération après l’incendie de sa maison. Un visage tout neuf, une mémoire en déroute, seuls les gants témoignent, en cachant des cicatrices irréversibles. Autour d’elle, des personnages prévenants qui prétendent concourir à la résurrection de sa pleine identité. L’amie en fonction de marraine, Jeanne Murneau, le médecin amoureux qui écrivait des lettres, et surtout le fantôme bien présent de Domenica, dite Do, camarade d’enfance puis compagne de dépravation, qui est morte dans l’incendie. L’intrigue pourrait être presque banale, policière sans enquêteur, s’il n’y avait pas à la clef l’héritage rondelet d’une vieille tante italienne. Et un huis-clos machiavélique dans lequel les personnages s’acharnent à enfermer Mi en la privant de tout regard non orienté sur son passé. Murneau est-elle la loyale protectrice de Michèle depuis son enfance, ou « il monstro » ? De qui le médecin était-il fougueusement épris ? Accident de gaz ou mécanisme diaboliquement ourdi ? Michèle tourbillonne dans un vertige de révélations, vraies ou fausses, impossibles à démêler.
Passé et présent s’entrelacent sur la scène où les personnages évoluent dans des temporalités que seule l’alternance des éclairages différencie. Les récits proposés par les deux témoins, Jeanne et François, sont contradictoires, eux-mêmes offrent des attitudes et des visages contrastés. Quelle est la vraie nature des rôles qu’ils ont joués, l’un et l’autre ?
Dans la relation fusionnelle, trouble voire malsaine, qu’entretiennent les deux jeunes femmes, l’une vivante et amnésique, l’autre morte, on n’est plus sûr de rien, d’où l’intérêt de la chose, d’autant plus que l’une est grande et rousse et l’autre plus petite et brune, mais quand elles échangent les robes et se miment comme en miroir, l’illusion commence à être déboussolante.
Jouons avec la place de l’adjectif : la rescapée est-elle une pauvre petite fille riche...et insupportable, ou bien une petite fille pauvre et... diabolique ?
La mise en scène, nerveuse et efficace, contribue à faire de ce puzzle complexe un tourbillon de perversité où le spectateur se perd sans réticence. David Talbot n’est pas plus rassurant en médecin qu’en amant. Aurélie Boquen, sans modifier son attitude, induit subtilement son machiavélisme. La rousse Alyzée Costes et la brune Nassima Benchicou, loin d’être différenciées, se prêtent à la confusion alternée de Miss Jekyll versus Miss Hyde. Qui est qui, et surtout à quel moment ? A.D. Théâtre Michel 8e.


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