PEUR(S) de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre. Mise en scène Sarah Tick. Avec Lucas Bonnifait, Julie Brochen, Vincent Debost, Milena Csergo, Frédéric Jessua, Gwenaelle David, Raouf Raïs.
Habeas corpus. C’est bien de cela qu’il s’agit, quand on parle d’arrestation indue, de motifs non spécifiés pendant tant d’années, de combats interminables pour que soient respectés les droits de la défense. Même si la victoire est au bout.
Mise au secret, traitement indigne, grève de la faim à répétition compensée par un gavage sans ménagement. Tel est le filigrane d’une fresque historique et diachronique, que scandent les musiques des époques parcourues, les récits parallèles autour des deux figures, omniprésentes, celle de l’incarcéré en défroque orange, celle de l’avocat taiseux. Des histoires de silence, de mutisme, parce que la méfiance est là, face à des pouvoirs tortionnaires, et qu’il y aurait trop à dire à sa famille ou ses amis dans la légèreté, même affectueuse ou attentive, de leur confort de nantis. Et le récit en est impossible. L’avocat se taira définitivement.
Le décor sur scène ne varie pas, seuls les mises en lumière accentuent un temps et un espace, une phase momentanée du récit, tandis que l’écran diffuse des images des diverses politiques d’incarcération, variées mais si semblables au fond.
L’ensemble rend efficacement le contraste entre la violence des faits et la tendresse ou sympathie des relations humaines. Au gavage du prisonnier répondent les tartes en cuisson et le vin dégusté dans la cuisine des amis.
Autour du prisonnier et de l’avocat, la ronde des rôles s’appuie sur un rythme soutenu, interdisant l’apitoiement, la sensiblerie, le larmoiement.
Le ton est juste, sans dogmatisme. Une leçon de politique plus que jamais nécessaire à la révolte au quotidien. A.D. Théâtre de l’Etoile du nord 18e.