PÈRE

Article publié dans la Lettre n° 388
du 16 novembre 2015


PÈRE d’August Strindberg. Texte français Arthur Adamov. Mise en scène Arnaud Desplechin avec Martine Chevallier, Thierry Hancisse, Anne Kessler, Alexandre Pavloff, Michel Vuillermoz, Pierre Louis-Calixte, Claire de la Rüe Du Can et Laurent Robert.
L’éducation de leur fille Bertha est au cœur de la mésentente d’Adolf, Capitaine de son état, et de sa femme Laura. Adolf voudrait dispenser une éducation laïque à sa fille et l’envoyer à la ville afin d’étudier pour acquérir son indépendance. Laura souhaite donner à Bertha une éducation religieuse, la garder près d’elle et lui faire étudier la peinture. Une lutte s’engage entre les époux, attisée par un incident domestique : le doute qui taraude l’ordonnance du Capitaine, face à une paternité revendiquée par la servante qu’il a séduite. Ce doute pose une question essentielle qui obsède dorénavant Adolf : un homme peut-il être certain d’être le père de son enfant ? Dans ce foyer où les femmes sont omniprésentes, Adolf, dont la santé mentale est fragile, ne trouve pas chez son beau-frère pasteur ni chez le médecin qui vient s’installer dans leur demeure, les alliés qui lui permettraient d’imposer sa volonté.
Une enfance trop tôt privée de sa mère et des problèmes matrimoniaux portent naturellement August Strindberg à s’interroger très jeune sur les relations tourmentées du couple. Dans ce genre théâtral, qualifié de « naturaliste », la lutte n’est pas physique mais cérébrale, un combat dont on retrouve un peu l’esprit chez Ibsen ou Bergman. L’auteur dissèque minutieusement les raisonnements d’Adolf et de Laura, conduits par des points de vue et des sentiments diamétralement opposés ou la haine est parfois altérée par les réminiscences d’une tendresse passée. Il s’agit là de la lutte de deux cerveaux qui s’affrontent, dont l’épilogue est la victoire du plus tenace. La violence physique est absente excepté en tout dernier recours, lorsque le chef de famille, à bout d’arguments, lance une lampe à pétrole allumée en direction de sa femme ou lorsque la camisole de force reste l’unique secours pour maîtriser celui qui a perdu la raison.
La pièce, d’une logique implacable, est conduite par une mise en scène classique qui permet une entière concentration sur le texte. Les comédiens sont époustouflants. Parmi eux, Anne Kessler, excellente en épouse qui impose sa volonté d’une main de fer, et Michel Vuillermoz, subtil en Capitaine révolté, habitué à commander mais dont le cerveau affaibli capitule face à un esprit plus retors. Comédie Française 1er.


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