PELLÉAS ET MÉLISANDE

Article publié dans la Lettre n° 411
du 18 janvier 2017


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PELLÉAS ET MÉLISANDE de Maurice Maeterlinck. Mise en scène Alain Batis avec Emile Salvador, Jeanne Vitez, Théo Kerfridin, Laurent Desponds, Pauline Masse, Tom Boyaval, Alain Carnat, Saskia Salembier (violon, alto, chant), Elsa Tirel (piano, chant).
Les grands moments de la littérature universelle offrent les exemples de l’amour interdit, avoué ou non, vécu dans la chair ou non, de toute façon voué à la douleur et à la mort. Parce qu’un tel amour est insupportable aux autres. Les Iago, Othello, Roi Marc, Hamlet et autres jaloux des tragédies immémoriales. Ici Golaud, prince égaré dans la forêt, découvre la fragile Mélisande au bord d’une source, puis épie les amants jusqu’à les surprendre auprès de cette même source et, convaincu de leur culpabilité, tue son propre frère Pelléas. Les amants ? Toute la question est là. Parce que pureté et innocence sont en constant porte-à-faux de l’incompréhension des autres. Comment exprimer l’ineffable sinon par des mots simples, dans la franchise sans emphase des cœurs ? La mise en scène témoigne avec bonheur de ce dépouillement en clair-obscur, en blanc et noir contrastés, entre feuillages et mouvance liquide, par des volumes et des reliefs à peine ébauchés, par des panneaux translucides qui glissent subrepticement, par les halos de lumière vive qui arrachent pour quelques instants les protagonistes à l’obscurité trouble des brumes rampantes. Lieux implicites, à peine suggérés, caresses des yeux, gestes inachevés, sentiments à demi-mots. Mélisande est Ophélie au bord de l’eau, Juliette sur son tombeau, la blonde Yseult qui ne saurait survivre. Figure tutélaire, l’aïeul Arkël s’attendrit devant tant de jeunesse flétrie, l’enfant Yniold est le témoin naïf des secrets adultes, tandis que Golaud, enfin décillé, mesure l’éternité de culpabilité qu’il lui reste à vivre. Il revient au chœur et à ses marionnettes blafardes de dire l’explicite du récit. Les voix des acteurs sont lentes et presque atones, pour leur donner une force vivifiée par l’entrelacement de la musique chorale et instrumentale qui les accompagne et les sous-tend.
Un spectacle étonnant, ambigu, quasi féérique, qui met le public comme en apesanteur poétique. A.D. Cartoucherie-Théâtre de l’Épée de Bois 12e.


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