LA PARISIENNE

Article publié dans la Lettre n° 218


LA PARISIENNE de Henry Becque. Mise en scène Bernard Murat avec Caroline Silhol, Patrice Kerbrat, Joël Demarty, Georges Gay, Julie Vincent.
Comme l’indique son titre, Clotilde est le personnage central de l’intrigue, parisienne partagée entre un amant jaloux, un mari pesant et son ménage de deux enfants. Malgré les principes qui lui ont été inculqués, et dont elle ne garde que l’apparence, Clotilde rêve, dit-elle: « d’une existence unique où mes devoirs seraient remplis sans que mon coeur fût sacrifié». Vaste problème car, si son devoir l’oblige à ménager et assister son mari lorsqu’il y va de la bonne marche de son ménage, elle a bien de la peine à ne pas sacrifier son coeur. Cet amant jaloux qui la harcèle, elle va pourtant le délaisser pour connaître une fois encore les émois de l’amour et de ses plaisirs dans les bras d’un jeune homme qui se révèlera bien falot.
Auteur atypique de la fin du XIXe, Henry Becque met en scène le célèbre trio de la femme, du mari et de l’amant et porte un regard tendre et dénué de méchanceté sur la gent féminine qui l’entoure et dont il a sans doute eu à souffrir pour la connaître si bien. Contrairement à un Guitry, quelques décennies plus tard, dont les pièces ressemblaient à de véritables règlements de compte avec le sexe dit faible,( il est vrai qu’il se trouvait dans la position plus inconfortable du mari), Henry Becque a su faire la part des choses et concéder à la femme ce qu’elle était vraiment, un être aimable et aimant pas si futile que cela: « nous sommes bien faibles c’est vrai, avec celui qui nous plaît mais nous revenons toujours à celui qui nous aime ». Quoiqu’il en soit, sa Clotilde est une fine mouche qui sait parfaitement jouer de ses charmes pour rouler dans la farine les benêts qui se trouvent à sa portée. Lasse de porter le carcan dans lequel on veut l’enfermer, elle en sort sans faire de bruit ni d’ombre à sa réputation. Mari et amants n’y verront que du feu tout comme la société bien pensante qui l’entoure.
Bernard Murat ajoute à la pièce, Veuve ,un quatrième acte écrit dix plus tard qui boucle la boucle de la vie de Clotilde. Il base sa mise en scène sur la parfaite orchestration de cette existence de femme, mettant en relief tout ce qui fait le charme et la drôlerie des répliques percutantes. Sa mise en scène enlevée parvient à gommer l’ennui d’un sujet qui a tout de même du mal à passer le cap des 120 ans, le trio d’aujourd’hui étant tellement autre! Mais la réussite du spectacle repose tout autant sur les épaules des comédiens. Si Patrice Kerbrat, Joël Demarty et Georges Gay sont excellents, Caroline Silhol est irrésistible, campant une Clotilde délicieusement rouée et pleine de charme. Théâtre des Mathurins 8e (01.42.65.90.00) (Lettre 218).


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