LES ONDES MAGNÉTIQUES

Article publié dans la Lettre n° 456
du 6 juin 2017


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LES ONDES MAGNÉTIQUES de David Lescot. Mise en scène David Lescot avec Sylvia Bergé, Alexandre Pavloff, Elsa Lepoivre, Christian Hecq, Nâzim Boudjenah, Jennifer Decker, Claire de La Rüe du Can, Yoann Gasiorowski.
Mai 68 est auréolé du parfum des « révolutions » où subitement tout semblait possible. Les réformes sanctionnèrent l’époque suivie par celle des années Giscard. Jusque-là interdites, les radios libres étaient installées dans des lieux incertains avec des antennes improbables. Elles émettaient avec les moyens du bord aussi longtemps que possible avant d’être brouillées. Les prises de paroles dépendaient des convictions d’une bande de doux-dingues émoustillés par l’interdit qui émettaient jusqu’à l’aube en douce, sans être vraiment certains d’être écoutés. Chez l’une d’elles, baptisée Radio Quoi, régnait l’effervescence d’une salle de rédaction avant le bouclage. Indifférentes au tohu-bohu ambiant, les locuteurs et locutrices étaient intarissables, commentaient les dernières nouvelles, proposaient des émissions, des débats ou des interviews.
Mai 1981, marque le début des années Mitterrand. La gauche au pouvoir, enfin ! Tout redevient possible. On se réjouit des mesures politiques et sociales nombreuses, prises en un temps record. Nationalisations, cinquième semaine de congés payés, abolition de la peine de mort…
Et voici que les ondes sont libérées. Une loi autorise provisoirement les radios privées locales sans publicité. On peut dorénavant émettre en toute liberté. La dérogation est transitoire, le temps de répertorier les radios.
David Lescot s’inspire des créateurs des radios libres de l’époque et imagine l’épopée de deux d’entre elles, Radio Quoi et Radio Vox. En 1982, Radio Vox est sur la liste des radios devenues « radios locales privées », contrairement à Radio Quoi. Sa seule option est de s’unir à Radio Vox, partageant ainsi avec elle les tranches horaires. Les animateurs de Radio Quoi sont les héritiers des anarchistes de 68. Le créateur de Radio Vox, est axé sur le principe professionnel de l’entreprise. Insupportable dirigeant, son ambition est immense. Les animateurs discutent, se disputent et fument comme des pompiers. L’ambiance est survoltée. Les débats échevelés ont l’engagement fiévreux de ceux qui ne durent qu’un temps. La radio se veut « branchée », avec des rythmes musicaux nouveaux. Mais la reprise en main du gouvernement Mitterrand calme les enthousiasmes. La joyeuse utopie a le parfum de la trahison. Comme en 68, la parenthèse se referme.
Ce laps de temps de folie douce est brillamment illustré, mis en scène et interprété dans un espace bi-frontal, avec au centre le décor d’une pièce miteuse pour Radio Quoi et d’un studio plus élaboré pour Radio Vox dont le patron a l’inénarrable dégaine du truculent Christian Hecq. Le public enveloppe du regard la scène où huit comédiens, vêtus de costumes des années 80, débattent, chantent, font la fête et se lancent même dans un rap endiablé pour interpréter au moins seize rôles. La troupe de la Comédie-Française en plein délire sait vraiment tout faire. Incroyable !
« Souvenir, souvenir » pour les anciens, une découverte pour les jeunes, l’enthousiasme est général. M-P.P. Comédie-Française - Théâtre du Vieux-Colombier 6e.


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