NORMA JEANE

Article publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n° 334
du 26 décembre 2011


NORMA JEANE de Joyce Carol Oates. Adaptation et mise en scène John Arnold avec Aurélia Arto, Philippe Bérodot, Bruno Boulzaguet, Jean-Claude Bourbault, Samuel Churin, Evelyne Fagnen, Antoine Formica, Jocelyn Lagarrigue, Marion Malenfant, Olivier Peigné, Fabienne Périneau, Maryse Poulhe, John Arnold.
Autopsie d'une élimination programmée. Le prologue, à peine voilé au propre comme au figuré, inaugure le cheminement de gloire et de misère, de paillettes et d'enfer, de celle qui fut et demeure l'icône sexuelle de tant de générations. Enfant non désirée d'une mère désaxée et d'un père célèbre et anonyme, Norma Jeane Baker erre, en mal d'amour et de tendresse, d'orphelinat en foyer d'accueil et mariages ratés. Pauvre petite fille trop pauvre, trop belle, trop involontairement sensuelle, avec une âme trop pure dans un corps voué à l'obscénité d'un calendrier de pin up. Pauvre petite Norma Jeane, qui se lovera dans la tendresse d'autres laissés pour compte de la célébrité des pères, Chaplin ou Robinson, qui nommera Papa tous ses maris, du rustre initial à l'écrivain vieillissant et jaloux, en passant par le boxeur brutal. Hollywood aux mille yeux la sacrera idole, au prix d'un nom en allitération graveleuse. Marilyn Monroe. Honte sur elle, si une chute de reins à se damner, la vodka et d'autres substances fallacieuses lui ouvrent les voies d'une gloire frelatée. Honte et mort sur elle, si elle ose revendiquer l'honnêteté des grands libidineux de ce monde. On se débarrassera sans vergogne de ce trublion, avec le cynisme absolu d'un secret qui perdure depuis.
Le metteur en scène de ce fleuve romanesque, John Arnold qui joue aussi le père en filigrane, a fait le choix judicieux d'un apparent dépouillement. Plateau très vaste, quasi vide, sur lequel les rôles s'interchangent et virevoltent avec rapidité, violence, drôlerie. Emotion surtout, lorsque la frêle héroïne, malmenée, naïvement lucide, vient mettre en œuvre son dénudement. Marion Malenfant est bouleversante, toute petite chose que les autres s'autorisent à violenter au physique comme au mental, dans une blondeur qui rend les strass presque superflus. Omniprésent dans le lointain de l'arrière-scène, le lit, canapé moelleux ou vaste espace chatoyant, se fait métaphore accusatrice des désirs qui ont tissé leur toile autour de celle à qui ils n'ont laissé que le choix d'être leur sex-symbol. Marilyn dépouillée, dévoyée, brisée certes. Mais les hommes cesseront-ils de préférer cette Blonde-là ? Happy birthday to you, Miss Norma Jeane. Théâtre d'Ivry Antoine Vitez 94.


Retour à l'index des pièces de théâtre

Fermez cette fenêtre ou mettez-la en réduction pour revenir à « Spectacles Sélection »