MYSTERE BOUFFE ET FABULAGES
Versions 1 et 2

Article publié dans la Lettre n° 310


MYSTÈRE BOUFFE ET FABULAGES versions 1 et 2 de Dario Fo. Textes français Ginette Herry, Valeria Tasca, Claude Perrus, Agnès Gauthier. Mise en scène Muriel Mayette avec (selon les versions) Yves Gasc, Catherine Hiegel, Véronique Vella, Christian Blanc, Alexandre Pavloff, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Christian Hecq et 6 élèves-comédiens.
Mystère bouffe, ce titre étrange, mérite une explication que nous donne Catherine Hiegel de sa voix ensorcelante. Siècle après siècle, les Mystères désignèrent une représentation sacrée. Que Mystère soit suivi du mot bouffe ne signifie pas dîner surprise, précise-t-elle, mais un spectacle grotesque, moyen de communication et de provocation, fondé sur l’histoire faite, vécue et racontée par le peuple à partir de livres écrits par le pouvoir. Son meneur, le jongleur, naissant du peuple, officiait afin que celui-ci prenne conscience de sa condition. Il arrangeait les écritures à sa sauce ironique et burlesque, redistribuant les rôles des riches et des pauvres, racontant tout le contraire de ce qui était enseigné, et si les riches étaient furibards, les pauvres, eux, s’y voyaient déjà.
Avec en toile de fond un planisphère, un décor animé de sept musiciens en costume du Moyen-âge, cède bientôt la place à un autre tableau, façon peinture Renaissance, un Chemin de croix que Jésus, chancelant, entreprend. Puis les récits commencent. Nos jongleurs, alors, se défoulent. Ils revisitent toute une suite d’épisodes bibliques, les entrecoupent de récits hauts en couleur à la gloire du petit peuple, parodies désopilantes racontées, mimées et chantées avec un fol entrain. La naissance de Jésus, le périple des Rois mages avant leur arrivée à Bethléem, le massacre des innocents, la fuite en Égypte, l’enfance de Jésus à qui l’on défend de faire le signe de croix (c’est trop tôt). Récemment immigré, il ne peut cependant pas résister à l’envie de faire un miracle pour s’intégrer en étonnant ses nouveaux copains, à l’exception de Thomas qui tient à voir pour croire. Suit la période assez effroyable du pape Boniface VIII, puis l’instant où le Tout Puissant, admirant son oeuvre et dérangé par l’une de ses créatures, ponctue cette irruption inopinée d’une série de « Nom de moi » contrariés. Toutes ces histoires sont illustrées en arrière plan par une continuité de tableaux somptueux et pittoresques représentant la vie du Christ : crucifixion, descente de croix etc...
La naissance du jongleur, autre œuvre de l’auteur ferme la boucle. Il s’agit du destin tragique mais édifiant d’un paysan qui, ayant cultivé un bout de montagne dont il tira un merveilleux jardin, mais bravant ainsi toute la vallée, deviendra, par la grâce de Dieu, un jongleur dénonçant les injustices. Dieu a créé le monde, le bien et le mal. Et le mal, sur la terre, cela peut devenir l’enfer. Les comédiens du Français s’en donnent à cœur joie, dans cette version 1, grâce à leur talent et une mise en scène délirante. Le spectateur, selon son éducation religieuse, est, quant à lui, partagé ou non entre le fou rire et une coupable complicité face à ce sacrilège qui ne correspond pas du tout à ce qu’on lui a inculqué au catéchisme. Mais c’est en quelque sorte une revanche face aux heures d’ennuie subies dans son enfance ! Il se prend alors à penser que ces comédiens ont de la chance d’être des jongleurs du XXIe siècle. En d’autres temps, tout comme les jongleurs du Moyen-âge, ils auraient été brûlés vifs ou autres joyeusetés de l’époque, sans autre forme de procès ! Comédie Française 1er.


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