LA MORT DE DANTON

Article publié dans la Lettre n° 200


LA MORT DE DANTON de Georg Büchner. Mise en scène Georges Lavaudant avec 20 comédiens dont Gilles Arbona, Patrick Pinau, Frédéric Borie, Hervé Briaux, Philippe Morier-Genoud.
La pièce de Georg Büchner est la chronique d’une mort annoncée. Danton, face à la terreur, ne réagit pas. Ses amis, ses partisans le traquent dans les lieux de plaisir qu’il fréquente. Averti de son arrestation imminente, l’auteur de « de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » ne bouge pas. Il ne croyait pas « qu’ils oseraient ». Devant le tribunal, l’ennemi de Robespierre se réveille. Le tribun enflamme le public. Mais il est trop tard. Büchner parle de l’atroce fatalisme de l’histoire.
La pièce de ce jeune homme de 24 ans n’est pas une pièce historique. On est subjugué par le trait frondeur de toute l’oeuvre. Elle est écrite par un fin lettré, émaillée de références historiques, philosophiques. Les révolutionnaires ne sont pas dépeints ici comme des héros purs et durs, mais comme des hommes de chair et de sang, éberlués dans un ouragan qui les entraînent malgré eux dans un sanglant destin. Deux conceptions de la vie opposent Danton et Robespierre. Le premier est un bon vivant tandis que l’incorruptible est un ascète qui exècre le plaisir. La pièce, bien que découpée classiquement en actes, multiplie les scènes, les espaces, les personnages. La parole est donnée aux gens de la rue et le texte de la prostituée est un étonnement. Le texte est d’une modernité incroyable, une réflexion sidérante sur le rôle de l’homme pris dans l’étau de l’histoire. « La grandeur est un pur hasard ».
Comment monter cette oeuvre touffue? Georges Lavaudant a dénudé le plateau de l’Odéon, réduisant les effets au maximum. Des enseignes lumineuses aux couleurs bleu, blanc, rouge de la devise « Liberté, Egalité, Fraternité », représentent la Convention nationale. Un panneau de tôle suffira à évoquer la prison. Les comédiens portent des costumes d’époque, leur talent fait le reste. Le final est absolument magnifique. La grande porte du fond de la scène, qui sert à faire entrer les décors est ouverte, laissant les bruits de la rue et le vent de la nuit s’engouffrer dans le théâtre, saisissant les spectateurs comme les condamnés l’étaient, par l’air vif du petit matin. Les condamnés arrivent l’un après l’autre au devant de la scène. Une énorme dalle en marbre, où est inscrit « Celui qui fait la révolution à moitié creuse lui-même son tombeau », s’abaisse dans un fracas métallique devant chacun. A tour de rôle, les exécutés se postent devant leur masque mortuaire. C’est d’une beauté glacée, la rumeur de la ville qui perce les murs du théâtre nous ramène à la modernité du texte. Georges Lavaudant réalise l’une de ses plus grandes mises en scène. Il s’est entouré de ses comédiens fétiches, tous parfaitement justes, dont Patrick Pineau qui nous laissera l’image d’un Danton, haranguant ses juges, dans le sursaut du désespoir jusqu’à la déchirure. Odéon-Théâtre de l’Europe 6e (01.44.41.36.36). Lien:
www.theatre-odeon.fr.


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