MON AMI LA FONTAINE

Article publié dans la Lettre n° 462
du 19 septembre 2018


  Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici.

MON AMI LA FONTAINE de Philippe Murgier. Mise en scène Christophe Gand avec Philippe Murgier, Jean-Louis Charbonnier (viole de gambe) et Jean-Jacques Cordival.
Un cadeau miraculeux lui est tombé par la cheminée, les Fables de son fidèle ami Jean de La Fontaine. Nicolas Fouquet dévore goulûment cette manne céleste, qui interrompt une réclusion où tout écrit est interdit par la tyrannie de Louis XIV. A coup sûr, le capitaine Saint-Mars a ordre de réquisitionner l’ouvrage. Conservez-les dans votre tête, suggère le valet Champagne. Judicieux conseil, en effet. Fouquet mémorise chaque fable et en fait la trame du récit biographique qu’il trace à son compagnon de misère. Il raconte la splendeur et les honneurs de Vaux-le-Vicomte, sa naïveté d’hôte du roi dans le faste des fêtes qu’il a organisées en son honneur, le procès ignominieux ourdi par son rival Colbert, la condamnation inique à l’austérité de sa geôle, sans concession, définitive. Rien pour amender sa solitude loin de l’épouse et des enfants, si ce n’est la musique que lui prodigue la viole du fidèle Champagne. La Fontaine bravera le diktat jusqu’à la mort de Fouquet, réclamant en vain sa grâce. Fouquet, en proie à la fièvre et au cauchemar, temporise sa fébrilité et son désespoir dans la mise en scène des animaux, désarmés comme l’agneau, vilipendés comme l’âne dans le tribunal de la peste, dans la rouerie du renard, la flagornerie des courtisans. Loup épris de liberté, cigale incorrigible, fourmi pas partageuse. On perçoit en un filigrane sans ambiguïté le paysage du monarque absolutiste. Avec une modernité qui n’échappera à personne.
Philippe Murgier se démène dans cet espace si exigu que cernent les barreaux de sa cage, dans les affres des rêves qui hantent ses nuits, quand Madame de la Sablière et Madame de Rambouillet tenaient salon où se commentaient les aventures de la Princesse de Clèves, entre rires, légèreté et élégance des propos.
Joue, Champagne, joue. L’austère virtuosité de la viole de Jean-Louis Charbonnier scande la douleur et l’effusion du reclus.
Un hommage plein de tendresse, de retenue et d’émotion à ces deux figures, politique et poétique, de la résistance à l’arbitraire du despote. Mais nulle tyrannie ne peut faire taire la liberté d’expression. Preuve en est ici donnée, et avec quelle grâce. A.D. Théâtre 14 14e.


Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » utiliser la flèche « retour » de votre navigateur