MISS NINA SIMONE

Article publié dans la Lettre n° 455
du 23 mai 2017


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MISS NINA SIMONE d’après Gilles Leroy. Mise en scène et adaptation Anne Bouvier et Jina Djemba avec Jina Djemba, Valentin de Carbonnières, Julien Vasnier (musiques).
Non ! ce n’est pas du jazz, mais de la musique classique noire ! Voilà ce que crie Nina Simone au jeune journaliste venu l’interviewer. Et elle dit son refus d’être étiquetée chanteuse de blues, de gospel, son aversion pour le rap. Elle murmure son indéfectible passion pour Bach, Mozart, Chopin et Liszt, raconte ses espoirs déçus de pianiste, son premier concert à 12 ans devant un public de Blancs qui voulaient humilier ses parents. Elle jette à la face du public son allergie à la foule.
Au soir d’une vie chaotique, entre génie et déchéance alcoolique, dans l’enfer maniaco-dépressif où elle reconnaît avoir connu surtout la dépression, Nina Simone se livre en confidence et confiance à Ricardo, son homme de maison philippin, qui l’entoure de sa tendresse admirative, de sa résistance à cette furie qui l’agonit d’insultes et le cajole de surnoms affectueux. Elle change de ton comme de chaussures aux talons vertigineux, passant des sanglots aux saillies d’humour, balayant toute convention dans le sillage de ses sautes d’humeur.
Le tout entrecoupé des modulations de sa voix inimitable. Elle noie dans des myriades de bulles la souffrance de ses souvenirs, tant d’hommes dont elle s’est entichée et qui l’ont abandonnée. Et sa fille si loin, si lointaine.
Un salon un peu oppressant, en clair-obscur, un crépuscule rouge comme la méridienne où elle repose ses douleurs, comme le miroir de sa lucidité songeuse, comme le sang de l’ample robe qui la revêt pour sa « sortie de scène, sortie de vie ».
Jina Djemba est bouleversante, si belle, aussi pulpeuse et généreuse que le phrasé de ses octaves, que ce corps souple et torturé qui la trahit sans l’enlaidir. Son humeur peut se montrer aussi sombre que le pouvoir noir revendiqué, et dans l’instant aussi lumineuse que le rire qui la soulève.
Valentin de Carbonnières est attendrissant dans le rôle de Ricardo. Il faut dire que ce n’est guère facile de tenir tête à une diva déchaînée ! Il se glisse avec souplesse dans celui du jeune journaliste qui pose les questions convenues et un peu niaises qui reçoivent en retour une volée de sarcasmes, mais on partage tellement ses larmes non feintes quand s’élève la modulation inouïe dont elle lui fait le cadeau.
On reste suspendu à la voix qui s’élève, à ces notes hors du temps. A savourer comme des moments de grâce. Tout simplement. A.D. Théâtre du Lucernaire 6e.


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