LE MENTEUR

Article publié dans la Lettre n° 201


LE MENTEUR de Pierre Corneille. Mise en scène Nicolas Briançon avec Nicolas Vaude, Henri Courseaux, Pierre Maguelon, Marie Piton, Olivier Claverie, David Seigneur, Christelle Chollet, Anne Charrier, Fanny Herrero, Nicolas Biaud-Maudit.
Dorante, jeune provincial ayant choisi la robe plutôt que l’épée, monte à Paris, ébloui par les lumières de la capitale et prêt à la conquérir elle et ses merveilles avec l’inconscience de sa jeunesse. Dans les jardins des Tuileries, passent deux jeunes filles en fleur, accompagnées de leur servante et confidente. Il est séduit par l’une d’elles, la courtise, sans avoir pris la précaution de s’assurer de son prénom: Clarice ou Lucrèce. Par jeu, il invente un premier mensonge, suivi par bien d’autres, qui finiront par le mettre dans des situations chaque fois plus délicates. Mais Dorante n’en a cure. Vaniteux et insolent, il est sûr de lui et de son charme. Cependant, « Il faut bonne mémoire après qu’on a menti », lui objecte avec raison Cliton, son valet.
Après le succès du Cid, Corneille s’invite à la légèreté avec cette comédie d’inspiration espagnole. On croit tout connaître de ses tragédies, de ses serments, de ses combats, de l’honneur lavé dans le sang. Pour le grand dramaturge rompu aux plus grands drames, les intrigues n’ont plus de secret. Tout est pensé dans la trame compliquée du mensonge dans lequelle se noie son héros, au grand dame de son serviteur qui ne parvient plus à démêler le vrai du faux. Mensonges, dont la subtilité des rouages est excellemment disséquée. Mais, de ce jeu, Corneille reste le maître incontesté.
Jeune metteur en scène, Nicolas Briançon est pourtant déjà bien connu du public. Il prend à bras le corps l’une des rares comédies de l’auteur avec un enthousiasme communicatif. Il allège le texte et donne ainsi à l’oeuvre une intelligente légèreté. Le choix de placer l’intrigue en 1920 est audacieux mais très astucieux car, plus proche de nous, elle n’en est que plus vivante mais aussi parce que ces années folles reflètent bien le rire et la fête, maîtres mots des jeunes gens insatiables, prêts à toutes les folies. Sa mise en scène met en relief cet appétit de jouir de la vie et les costumes particulièrement seyants s’y prêtent à merveille. Les jeux de scène inventifs, d’un comique permanent et la musique qui invite à la danse, permettent aux comédiens de donner toute leur mesure. Nicolas Vaude est particulièrement convaincant en Dorante, charmeur jusqu’au bout des ongles. Sous les tirades brillantes et drôles, percent parfois des accents plus sombres, comme le très beau reproche d’un père à son fils, remarquablement dit par Pierre Maguelon, irréprochable spécialiste des « pères nobles ». Henri Courseaux use de tout son talent pour incarner Cliton, dépassé par ce maître qu’il ne reconnaît plus. Un enchantement de tous les instants, à ne pas manquer. Théâtre Hébertot 17e (01.43.87.23.23).


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