LE MARIAGE DE FIGARO ou
LA FOLLE JOURNÉE

Article publié dans la Lettre n° 377
du 19 janvier 2015


LE MARIAGE DE FIGARO ou LA FOLLE JOURNÉE de Beaumarchais. Mise en scène Jean-Paul Tribout avec Éric Herson-Macarel, Marie-Christine Letort, Claire Mirande, Agnès Ramy, Thomas Sagols, Marc Samuel, Alice Sarfati, Xavier Simonin, Jean-Marie Sirgue, Pierre Trapet, Jean-Paul Tribout.
La joie de Figaro et de Suzanne, qui voient en ce matin de leurs noces leur amour se conclure par un mariage, est assombrie par le désir du Comte Almaviva de revenir sur le droit de cuissage qu’il avait abrogé par amour pour la femme qu’il avait épousée, afin de jouir à son aise des tendres appas de Suzanne. Les fiancés mettent au point un stratagème afin de contrecarrer les desseins du Comte. Chérubin, amoureux de la Comtesse, se voit tout à coup renvoyé. Désespéré, il s’apprête à rejoindre l’armée. La Comtesse exhorte son époux à changer d’avis. Jalouse du mariage, Marceline, quant à elle, brandit une reconnaissance de dette écrite par Figaro qui embarrasse son auteur.
Pour tout décor, un ciel bleu, moucheté de nuages, peint sur les portes closes au fond de la scène et quelques meubles apportés aux moments opportuns. Cette simplicité laisse une entière liberté de mouvements aux comédiens vêtus de costumes XVIIIe. Leurs faits et gestes éclairés par de savants jeux de lumières, ils s’emparent de cet espace avec enthousiasme pour faire la part belle au texte et vivre cette folle journée.
Beaumarchais alterne comédie, vaudeville et monologues philosophiques pour prendre la défense de toutes les libertés et s’élever contre la bêtise, propos relevés avec une formidable énergie par la mise en scène et l’interprétation d’une troupe soudée. Les complots ourdis par le Comte pour obliger Suzanne à céder à ses avances, la revendication de Marceline, le stratagème mis au point par la comtesse et Suzanne pour confondre le Comte, les interventions de Chérubin et la folle partie de cache-cache finale sont des scènes réjouissantes, mais dont l’ambiance joyeuse prend une autre tournure lorsqu’elles font place à d’autres moments plus graves. Grâce au talent de Claire Mirande lorsqu’elle aborde le monologue de Marceline, dénonciation de la cruauté masculine à l’égard des femmes traitées comme des mineures pour leur fortune mais comme des majeures pour leurs fautes et dont l’unique recours est la rouerie afin de se protéger de l’ingratitude et de l’inconstance des hommes. Grâce au talent d’Éric Herson-Macarel tout au long de la représentation, mais tout spécialement lors de la célèbre scène où Figaro remémorant va vie déclare: « Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloges flatteurs… ». Cette réflexion devenue une devise a aujourd’hui une résonance d’une tragique actualité. Lucide, Beaumarchais dénonçait par le rire, la fantaisie et l’esprit, tous les maux dont souffrait la société du XVIIIe siècle, ceux-là même, plus barbares encore par la sophistication de leurs armes, contre lesquels la société du XXIe siècle continue de lutter. Théâtre 14 14e.


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