LE MAL COURT

Article publié dans la Lettre n° 350
du 11 février 2013


LE MAL COURT de Jacques Audiberti. Mise en scène Stéphanie Tesson. Scénographie Nicolas Sire avec Antony Cochin, Julie Delarme, Jean-Paul Farré, Josiane Lévêque, Marcel Maréchal, Mathias Maréchal, Didier Sauvegrain, Emmanuel Suarez.
Alarica, princesse de Courtelande, s’apprête à épouser Parfait XVII, Roi d’Occident. Après un voyage harassant, durant lequel elle a traversé sa pauvre contrée dont son père est le roi, la voici en compagnie du Maréchal et de sa gouvernante, chargés de la conduire vers son nouveau destin. A la veille de son mariage, elle séjourne pour la nuit dans une résidence du territoire de Saxe, à la frontière du grand pays dont elle va devenir la reine. En partie élevée dans un couvent, Il lui est difficile de trouver le sommeil, excitée par un futur où elle n’entrevoit que le bien, elle pour qui le mal et le bien sont l’un et l’autre placés dans leur case respective. Trois coups frappés à l’huis, une voix qui se présente comme celle d’un roi qu’elle ne connait pas encore et la porte s’ouvre. Cette intrusion va changer d’un coup un destin si bien tracé et surtout la vision d’un monde sur lequel Alarica a bâti sa règle de vie. On n’est jamais trahi que par les siens ? Pas seulement, apprend-t-elle. Découvrant l’odieuse machination politique dont elle est le jouet, blessée et humiliée, elle tire vite les leçons de sa naïveté. Alarica jette alors ses rêves de jeune fille comme une défroque et endosse l’habit des ambitions de la femme qu’elle est devenue en quelques heures. Elle éconduit le jeune roi amoureux, chasse son père du trône, s’autoproclame reine, et repart vers son pays, remportant avec elle le Maréchal qui a senti le vent tourner, et pour son plaisir, l’homme qui a perdu son honneur. Elle choisit ainsi le camp dans lequel évolue le monde, celui où le mal court, tournant à jamais le dos à la tentation du bien.
Stéphanie Tesson met en scène cette « sérénade philosophique », « une bête cruelle et velue dans les plis de Fragonard», pour reprendre les expressions d’Audiberti à son égard, lui préservant toute sa fraîcheur et sa force poétique. Par le choix des costumes, elle conserve l’époque du XVIIIe siècle, tout aussi représentatif des intrigues de cour que ceux qui le précédèrent ou le suivirent. La mise en scène et la scénographie traduisent très bien la verve à la fois burlesque et dramatique d’un texte que les comédiens interprètent avec ardeur, Julie Delarme jouant avec une fougue tout à fait convaincante son rôle de petit bout de femme rageuse, féministe avant l’heure.
Le mal court a-t-il vieilli, si l’on s’en tient à la réflexion de certains spectateurs? Certainement pas. La trahison et les intrigues politiques sont intemporelles et universelles. Celles du XVIIIe décrites par Audiberti, sont celles qu’il a observées en son temps et que nous observons nous-mêmes aujourd’hui. Le mal court toujours. Le monde est ainsi fait et les hommes qui le font tourner ne sont pas prêts de changer. Théâtre de Poche Montparnasse 6e.


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