LA MAIN DE LEÏLA

Article publié dans la Lettre n° 440
du 25 octobre 2017


  Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici.

LA MAIN DE LEÏLA de Aïda Asgharzadeh et Kamel Isker. Mise en scène Régis Vallée avec Aïda Asgharzadeh, Kamel Isker, Azize Kabouche.
1987, Sidi Fares, un petit village de l’Algérois. Sur un drap étalé sur un fil, un cinéma clandestin programme des films encore plus interdits, puisqu’y sont projetés les « baisers » voluptueux du cinéma occidental. Le joyeux Samir y mime, en feuilleton, les scènes sulfureuses et non moins censurées, devant un public exclusivement masculin, sauf quand la belle Leïla s’y glisse incognito. « La suite, Samir, raconte-moi la suite ! »
On verra donc se dérouler, tel un conte de mille et une nuits sur une terrasse nocturne, les amours impossibles d’un Roméo-Samir et d’une Juliette-Leïla, dans l’Algérie du colonel Bensaada, qui n’hésite pas à livrer sa fille à Walid, l’homme d’affaires véreux. Insouciance et idéal des amoureux, truculence de la grand-mère de Samir, rébellion d’Amar, le fils du colonel contre le père tyrannique, contre le pouvoir politique qu’il représente. En filigrane, il y a surtout le destin tragique d’une jeunesse sacrifiée aux intégrismes de tout poil. Sur fond d’Histoire majuscule et d’histoires minuscules de petites gens, coule une noria de personnages pittoresques, entre le mariage de Yamina, les espoirs de fuite avortés de Zino, le policier soupçonneux. Et Leïla refuse chaque nuit sa réponse à la demande en mariage de Samir, pour l’entendre à nouveau le lendemain, quand l’appel du muezzin joue l’heure du rossignol. Le colonel est sourcilleux, la grand-mère retorse et geignarde, les amoureux délicieusement primesautiers. Les rues d’Alger grondent de fureur estudiantine, la colère monte comme les barricades. Mais y a-t-il force plus résistante que le baiser des amants ? Trois acteurs, excellents, protéiformes, jubilatoires de diversité et d’inventivité, campent cette fresque à tour de rôles, sans laisser souffle au spectateur entre émotion et rires. Par l’artifice de bidons à fonctions multiples, de cordes à linge, de cloisons mobiles qu’on y suspend, le plateau se fait tour à tour cinéma, épicerie, intérieurs divers, autobus, barricade de rue.
Ah, Casablanca, Humphrey Bogart, le sacrifice des amants…
C’est inventif, vivace et rieur, émouvant sans jamais s’appesantir dans le tragique ou le mélo. On en redemande. A.D. Théâtre des Béliers Parisiens 18e.


Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » utiliser la flèche « retour » de votre navigateur