LA LUTINE

Article publié exclusivement sur Interrnet avec la Lettre n° 308
du 8 février 2010


LA LUTINE de Pedro Calderón de la Barca, Mise en scène et adaptation Hervé Petit avec Karim Abdelaziz, Charlotte Adrien, Caterina Barone, Béatrice Laout, Jean-Claude Fernandez, Jean-Marc Menuge, Antoine Roux.
L'armoire batifole sur ses gonds, veuve et suivante batifolent incognito dans les rues, maître et valet divergent sur la rationalité des événements. Calderón, dont on connaît davantage la gravité sombre et dramatique de La Vie est un Songe ou du Grand Théâtre du monde (Lettre 226) nous offre ici tous les ingrédients d'une comédie qui tourne et virevolte entre éclats de rire et déclarations amoureuses alambiquées à la mode du 17e siècle.
Dona Angela est veuve, sévèrement cloîtrée par ses deux hidalgos de frères. Réputation oblige ! Alors pourquoi ne pas tenter une petite sortie masquée, histoire d'aller respirer l'air mutin d'une ville en fête ? Elle y croise malencontreusement le cadet, son masque la sauve, elle court vite. Et sa fuite cause l'algarade de ce Don Luis avec l'hôte encore inconnu de son aîné, le raide Don Juan. Duel, honneur lavé dans quelques gouttes de sang, sous les yeux effarés du truculent valet, Cosme.
Le vaillant étranger, Don Manuel, chamboule ainsi cet univers guindé en suscitant, à son insu, la curiosité féminine. Dona Angela, sa suivante Isabelle, et la cousine Dona Beatrice vont concocter des stratagèmes, plus hasardeux les uns que les autres, avec l'aide de cette fameuse armoire coulissante, censée condamner le passage entre les appartements de la veuve et de l'invité. Les objets passent de l'un à l'autre, assortis de billets de plus en plus enflammés entre épistoliers anonymes. Le valet Cosme, aux premières loges de ces fluctuations, ne peut qu'y voir l'effet de quelque lutin facétieux et sûrement malfaisant. En homme simple, superstitieux et couard, il exprime ses hilarantes terreurs, face à son maître qui se proclame imperméable à cette magie. Chandelles qui s'éteignent et ombres qui glissent contribuent néanmoins à sa perplexité et, pour en avoir le cœur net, il n'hésitera pas à se laisser entraîner par les trois délicieuses complices dans une ballade quasi initiatique. L'amour est évidemment au rendez-vous, celui très noble et gracieusement dansé de Don Juan et Dona Beatrice, au grand dam jaloux de l'hypocondriaque Don Luis, et l'amour qui sauve finalement la réputation de la jolie veuve si inventive qui épousera Don Manuel. Quant à Cosme et Isabelle, qui sait…
Entre rires et émotion, les acteurs courent, crient, tombent, manient l'épée, jouent de la flûte et dansent le tango, dans une atmosphère survoltée et résolument joyeuse dans laquelle le public, conquis, se laisse entraîner sans résister. Théâtre de l'Opprimé 12e. A.D.


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