LA LOUVE

Article publié dans la Lettre n° 399
du 19 septembre 2016


LA LOUVE de Daniel Colas. Mise en scène Daniel Colas avec Béatrice Agenin, Coralie Audret, Maud Baecker, Yvan Garouel, Gaël Giraudeau, Adrien Melin, Patrick Raynal.
Quand il s’agit de s’arroger le pouvoir, tout est permis. Chaque époque l’a prouvé, et ce ne sont pas les seules armes de la guerre qui l’ont emporté.
1515, Marignan, la réponse fuse ! Certes, mais pour que François 1er gagne cette célébrissime bataille, il aura fallu que sa mère, la Reine Louise, dite La Louve, mène de dures estocades contre son fils d’abord, ce beau jeune homme partagé inéquitablement entre son appétit insatiable de la gent féminine et ses inconséquences de monarque. Car la concurrence est rude avec la Reine Marie, jeune veuve de feu Louis XII, lui aussi grand coureur de vertugadin. A la mort du roi, une naissance légitime est-elle encore à redouter? Supercherie, adultère, qui pourrait le dire ?
De tous ces lits, honorés ou pas, des séductions si chastement entretenues jusqu’au bégaiement de l’amoureux transi, s’élabore la trame d’un récit à rebondissements et mises en abyme, qui dévoile une facette gaillarde, voire paillarde, de l’Histoire, avant que la conclusion n’ouvre le pan plus officiel que raconteront désormais les manuels scolaires.
La Louve est tenace, subtile et rouée, François se montre d’une goujaterie qui laisse pantois, la Reine Claude, épouse disgracieuse, claudique, au propre comme au figuré, entre sa loyauté à l’infidèle et l’imperturbabilité à laquelle elle se contraint en dépit des couleuvres conjugales. Le fidèle et amoureux Grignaux bégaie de manière grivoisement suggestive. Dans le camp des méchants, la jeune veuve cache mal sa passion pour Suffolk, le bel arriviste. Et au centre du tableau, rôde la figure ténébreuse du Roi agonisant et politiquement libidineux.
La réussite de ce spectacle tient d’abord à l’entremêlement en anamnèse des époques, comme le chœur antique l’annonce au début. Toute lourdeur est évitée, dans ce récit complexe, par le dépouillement de la mise en scène. Seule la valse alternée des candélabres donne la mesure des temps, que quelques rares mobiliers viennent illustrer. Les costumes sont somptueux par les brocards et les découpes d’époque. Un camaïeu de noirs brillants et mats, parfois rehaussés de teintes chaudes, qui s’harmonisent avec la variété efficace du jeu des divers acteurs, tous bien à leur place dans cette fresque.
De quoi donner à chacun le goût d’une Histoire si intemporellement proche. A.D. Théâtre La Bruyère.

Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » utiliser la flèche « retour » de votre navigateur