LIBRES SONT LES PAPILLONS

Article publié dans la Lettre n° 392
du 8 février 2016


LIBRES SONT LES PAPILLONS de Léonard Gershe. Adaptation Éric Emmanuel Schmitt. Mise en scène Jean-Luc Moreau avec Nathalie Roussel, Julien Dereims, Anouchka Delon, Guillaume Beyeler.
Quitter à vingt ans l’appartement familial de Neuilly pour louer une mansarde dans le quartier de Barbès peut sembler saugrenu mais Quentin n’est pas Tanguy. Depuis la désertion de son fils, Florence se sent littéralement dépossédée de son rôle de mère, oh combien indispensable à ses yeux. Bien qu’elle soit occupée par la publication de ses romans destinés aux enfants, aux aventures pour le moins révélatrices, l’inquiétude la taraude. Ses appels téléphoniques ne font qu’énerver son fils. Elle n’attend pas deux mois pour se rendre chez lui comme elle le lui a promis. Elle débarque sans prévenir.
Quentin se sent pourtant tout à fait à l’aise dans son nouvel univers. Il a pris ses marques dans le quartier entre la boulangerie, l’épicerie et la laverie automatique et pense avoir tiré le meilleur parti du petit studio qu’il occupe. Il passe ses journées à composer des chansons. Il est vrai que l’approvisionnement régulier de son compte en banque par sa mère lui facilite diablement l’existence. Julien Dereims est parfaitement crédible dans ce rôle difficile, son personnage cachant un secret que Nathalie Roussel, en mère angoissée, partage avec habileté.
Si l’intérieur conçu par Quentin la fait frémir, la jeune femme qu’elle trouve dans les bras de son fils l’inquiète encore plus. Les questions inquisitrices qu’elle pose à Julia, locataire du logement contigu, sont loin de la tranquilliser. La jeune femme de 23 ans n’a pas froid aux yeux. Elle vient de « monter » à Paris pour tenter une carrière de comédienne et doit justement se rendre à une audition. Anouchka Delon, très à l’aise sur scène, oscille entre impertinence et charme. Elle exprime avec une belle spontanéité son embarras lorsqu’elle comprend ce que cache jalousement le jeune homme puis sa façon d’aller droit au but, indifférente en apparence, à la peine qu’elle peut causer.
Éric-Emmanuel Schmitt revisite en profondeur cette comédie américaine des années 70 pour la situer de nos jours à Paris. Il réalise un excellent travail sur le contexte social et les dialogues. La satire de certaines mises en scène « in » donne l’occasion à Guillaume Beyler d’offrir un numéro cocasse du metteur en scène imbu et cynique.
La mise en scène virevoltante met savamment en évidence les moments drôles ou émouvants et ceux plus graves où affleure une réflexion sur la confiance en soi et le regard des autres. La direction d’acteurs désinhibe les comédiens. Leur naturel désarmant enthousiasme un public déjà tout acquis. Théâtre Rive Gauche 14e.

Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » utiliser la flèche « retour » de votre navigateur