LETTRES À NOUR

Article publié dans la Lettre n° 468
du 12 décembre 2018


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LETTRES À NOUR de Rachid Benzine. Mise en scène Charles Berling et Rachid Benzine, avec Éric Cantona et Nacima Bektaoui.
Comment peut-on infliger pareille douleur à un père aimant qui a élevé son enfant seul ? La lecture de la lettre de Nour foudroie ce professeur de philosophie, respectueux du Coran, lorsqu’elle lui apprend qu’elle lui a menti. Elle n’est pas allée chez sa tante mais a rejoint un combattant de Daech à Falloujah, à 5 000 kilomètres de chez eux, un certain Akram, un homme « très instruit, très courageux et très fort » rencontré par l’intermédiaire d’Internet. Elle l’a épousé, a revêtu le vêtement noir des femmes. Ensemble, ils vont libérer l’Irak des mécréants, chasser le tyran du pays. C’est une guerre sainte qu’ils entreprennent. Elle est heureuse, épanouie. Elle clame haut et fort son bonheur.
Que répondre à cette première missive exaltée et à toutes celles qui vont suivre sinon la supplier de revenir, tenter de lui faire comprendre qu’elle se trompe, qu’elle ne peut cautionner les actes barbares des monstres qu’elle côtoie, ni rester dans ce pays en guerre. Elle a à peine vingt ans. Elle a entrepris des études brillantes, un avenir radieux l’attend. Mais Nour a choisi librement de servir sa religion et son mari et, d’après elle, c’est le paradis.
Les communications sont difficiles, les lettres rares. La mère de Nour décédée, le père a lutté pour ne pas sombrer et élever sa fille. Il doit lutter maintenant contre le désespoir de la perte de Nour, la lumière de sa vie, essayant de comprendre quand leurs routes se sont séparées, eux qui s’entendaient si bien.
Durant un an et demi, les missives se succèdent. L’enthousiasme de Nour ne faiblit pas. Elle accouche d’une petite fille, l’incompréhension entre le père et la fille s’accentue. Il juge son mari, elle lui renvoie son mépris.
Puis le philosophe est arrêté par le service de sécurité. Il va devoir passer au tribunal pour le délit d’apostasie. Ses propres étudiants l’attaquent. Tout s’accélère lorsque l’entourage de Nour découvre qui est son père. Elle le défend mais le juge responsable. Ses amies deviennent ses ennemies, son mari son bourreau. Alors elle ouvre les yeux. Elle croyait à ce qu’elle disait mais son père avait raison et il sera condamné à continuer de vivre.
Éric Cantona et Nacima Bektaoui sont les acteurs poignants de cette correspondance. La sobriété de leur interprétation en sublime la lecture. Symbole de leur éloignement, une table immensément longue sépare les personnages qu’ils incarnent mais un lien invisible les unit. L’amour reste intact au milieu du drame et des larmes. M-P.P. Théâtre Antoine 10e.


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