LA LÉGENDE D’UNE VIE

Article publié dans la Lettre n° 463
du 3 octobre 2018


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LA LÉGENDE D’UNE VIE de Stefan Zweig. Traduction Jean-Yves Guillaume. Adaptation Michael Stampe. Mise en scène Christophe Lidon avec Natalie Dessay, Macha Méril, Bernard Alane, Gaël Giraudeau, Valentine Galey.
Le décor, style art nouveau, renvoie avec une belle sobriété l’opulence des lieux mais aussi la rigueur qui pèse sur la maison familiale viennoise où Leonor Franck règne en maîtresse incontestée. Elle a consacré sa vie à honorer la mémoire de son mari, le grand poète Karl Franck, une icône nationale. Elle s’est évertuée à sculpter de lui l’image idéal d’un marbre blanc sans tache, ni aspérité, avec l’indéfectible fidélité de Hermann Bürstein, ami, éditeur et biographe de Karl. Ce soir, une lecture d’une œuvre de Friedrich Marius Franck, le fils aîné, est organisée dans la demeure, mais Leonor est contrariée par une organisation qui ne lui convient guère et surtout par le comportement de Friedrich. Le jeune homme aimerait ne plus avoir le poids de ce père célèbre sur ses épaules, s’affranchir de l’inévitable comparaison. Tandis que Bürstein et Clarissa, la fille cadette, venue spécialement pour la soirée, aident au bon déroulement de l’événement, les disputes entre la mère et le fils se succèdent.
Soudain une femme survient. Maria Folkenhof explique avoir entrepris le voyage pour assister à cette lecture et faire plus ample connaissance avec Friedrich. Est-elle vraiment une « étrangère » à cette maison, comme le dit Leonor qui tente de l’éconduire ?
Cette œuvre méconnue de Stefan Zweig décrit avec minutie la société viennoise du début du XXe siècle avec ses secrets et son apparence et brosse une remarquable étude psychologique des caractères. L’impressionnant travail de traduction et d’adaptation cisèle les personnages. Leonor Franck cache sous son intransigeance le cœur d’une femme ayant sacrifié sa vie à un époux qui l’a toujours ignorée. Hermann Bürstein, l’ami intime, aveuglé par l’admiration, n’a jamais perçu les défauts du grand homme. Friedrich rejette un père qui l’étouffe. Clarissa semble avoir surmonté le sentiment d’avoir été oubliée par un père « absent ». Maria, enfin, crée la surprise par une visite dont le but ne laisse pas d’inquiéter l’épouse et l’ami.
Les dialogues vont à l’essentiel. Ils découvrent peu à peu le rôle majeur joué par Maria autrefois et tout ce qu’il en reste. Tout est là, intact, mémoire vivante d’un lourd passé, dans cette chambre d’hôtel où Hermann Bürstein vient lui rendre visite, redoutant, comme Leonor, les conséquences de cette réapparition soudaine. Il précède de peu Friedrich dont la démarche est celle d’un fils qui hait son père et veut en connaître le passé. C’est un tout autre homme qui sort de ce tête-à-tête…
Leur rôle respectif est un véritable cadeau pour Natalie Dessay et Macha Méril, excellentes Leonor et Maria. Bernard Alane, Gaël Giraudeau et Valentine Galey, personnages essentiels face à leur confrontation, leur donnent la réplique avec beaucoup de finesse.
Une pièce captivante, événement incontournable de ce début de saison. M-P.P. Théâtre Montparnasse 14e.


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