LE LIMIER

Article publié dans la Lettre n° 208


LE LIMIER de Anthony Shaffer. Adaptation Jacques Collard. Mise en scène Didier Long avec Jacques Weber, Patrick Bruel, Paul Brickert, Marc Laignier, Albert Varlet.
Une grande demeure nichée dans la campagne anglaise. Le manoir d’Andrew Wyke est un petit musée des jeux à travers les siècles. De l’Egypte ancienne au dernier jeu électronique, Andrew en connaît toutes les règles, tous les arcanes. Les jeux de l’esprit, les déductions sont une seconde nature à celui qui est considéré comme l’un des maîtres du suspens. Son personnage récurrent, son héros, Lord Merridew, est un policier perspicace, dénouant les intrigues les plus inextricables. Andrew est content de lui. En réalité, il souffre d’un complexe éminent de supériorité. Supériorité mise à mal par son épouse, puisqu’elle a un amant. Il faut dire que Milo Tindle a le physique de l’emploi, plus jeune que l’austère époux. Le manoir devient le théâtre d’une rencontre étonnante entre le mari et l’amant. Le premier ne comprend pas comment sa femme peut préférer ce rejeton d’un immigré italien. Ce bellâtre vit de son travail, Andrew le trouve vulgaire. Milo est déstabilisé par la morgue et la suffisance de cet homme qui sait si bien pointer là où c’est douloureux. Les adversaires vont jouer un jeu de rôle dangereux, un jeux diabolique où qui perd gagne, où l’on perd son âme.
Pour tout cinéphile qui se respecte, Le limier (Sleith) est un film culte, le dernier réalisé par Joseph L. Mankiewicz avec Laurence Olivier et Michael Caine. La pièce d’Anthony Shaffer est un défi pour toute l’équipe. Défi relevé haut la main. Le décor de Jean-Michel Adam nous jette de plain-pied dans l’atmosphère et joue un rôle capital. Le manoir anglais se transforme en malle de magicien avec des maléfices.
Jacques Weber est Andrew Wyke. Supérieur, il toise de sa haute taille son rival. Un seigneur en son domaine, recevant un vassal désobéissant. Il en a la prestance. Notre grand Jacques est machiavélique à souhait, le regard grisant du prédateur qui jauge sa proie. Patrick Bruel, de retour au théâtre, est un événement, certains «attendant au tournant le chanteur ». Il possède ce que l’on n’apprend pas, la présence et le charisme. Il compose un Milo Tindle charmant, vacillant devant ce monument de mépris. Il a la force et les failles de ceux qui se sont construits tout seuls. Il rebondit sur ses pattes, comme un félin prêt à donner un coup de griffe magistral. Didier Long a orchestré le duel de ces deux monstres de la scène avec son élégance habituelle. Le spectateur est entraîné sur des fausses pistes, grugé, trompé, il ressort époustouflé! Théâtre de la Madeleine 8e (01.42.65.07.09).


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