LANCELOT LE CHEVALIER DE MERLIN

Article publié exclusivement sur Interrnet avec la Lettre n° 363
du 20 janvier 2014


LANCELOT LE CHEVALIER DE MERLIN, adapté de Chrétien de Troyes et Geoffroy de Monmouth par Gaëtan Peau. Mise en scène Quentin Defait avec Julie André, Simon-Pierre Boireau, Xavier Catteau, Juliette Coulon ou Leïla Guérémy, Romain Duquesne, Jean-Patrick Gauthier, Aymeric Lecerf, Gaëtan Peau, Boris Ravaine, Victorien Robert.
Sur les dix-huit années du beau, parfait et pur Lancelot, sa marraine Viviane, la Dame du Lac, a veillé jalousement. Elle doit maintenant, la tristesse et l’angoisse au cœur, le laisser partir vers son destin de Chevalier de la Table Ronde. L’Enchanteur Merlin veille dans l’ombre. A la cour, Arthur, roi timoré à force de prudence, s’entoure de Gauvain le loyal, d’Yvain le sourcilleux, du naïf Perceval. Et Lancelot, jeune adoubé, scelle son sort quand ses yeux se lèvent sur Guenièvre, la reine hors de portée de son incoercible amour. Surgit alors le méchant, Méléagant, fils frustré et vindicatif du roi de l’Autre Monde, Baudemagus. Il réclame vengeance d’une spécieuse injure et emmène en otage la reine, avec la certitude que Lancelot se portera à son secours. Lancelot s’y précipite, téméraire et inconscient, rêveur chaotique, tant parfait que déloyal malgré lui, éperdu dans sa passion, oubliant tous les codes, au point même de monter dans la charrette d’infamie..
Cet insoluble écartèlement entre amour ardent et loyauté chevaleresque, Chrétien de Troyes, au 12e siècle, s’était refusé à le trancher, laissant la geste de Lancelot inachevée. Toutes les tentatives de résolution postérieures en ont gauchi le dilemme fécond, celui de l’impossible pureté, qui ne soit ni désincarnée ni sacralisée. L’adaptation ici proposée évite à la reine Guenièvre l’adultère, en vouant Lancelot à son insupportable douleur.
La tragédie met en œuvre tous les ressorts, amour et douleur, vaillance et trahison, viol et rouerie, sarcasme et naïveté, brutalité et pureté.
La mise en scène, remarquable, s’appuie sur l’épure des décors mobiles, qui délimitent l’espace du pouvoir comme celui de l’enfermement, la souplesse efficace des corps, les combats chorégraphiés, les épées qui sonnent et les corps qui souffrent. L’ambiguïté des tempéraments se départit du simplisme et est rehaussée par les maquillages en contraste, le clair-obscur des lieux de nature et de chevalerie, la magie de l’enchanteur Merlin, haute figure mi-humaine mi-animale qui suscite les fulgurances.
Un univers déchiré de bestialité, exacerbé de désirs, à peine tempéré de courtoisie, traversé d’orages, ceux de la nuit et ceux du cœur.
On sort troublé de ce bouleversement des idéaux. Mais émerveillé, et secrètement rassuré par la sensualité qui se dégage des corps, les désirs qui les taraudent, la soumission dérisoire, la peur ordinaire. Tant d’humanité à portée du rêve… A.D. Théâtre 13 Jardin 13e.


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