JUSTICE

Article publié dans la Lettre n° 447
du 31 janvier 2018


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JUSTICE de Samantha Markowic. Mise en scène Salomé Lelouch avec en alternance Naidra Ayadi, Camille Chamoux, Camille Cottin, Samantha Markowic, Fatima N’Doye, Océanerosemarie.
Sabrina Malard est encore terrifiée par l’agression dont elle a été victime alors qu’elle rentrait de chez une amie un soir à minuit et un peu ivre. Mais ce qu’elle sait aujourd’hui c’est qu’elle ne parvient plus à vivre normalement. Elle ne sait d’ailleurs pas très bien ce qui la traumatise le plus, les insultes proférées par son agresseur ou le vol du portable qu’elle tenait à la main. « Ne jamais plus appeler la nuit en pleine rue » lui a gentiment recommandé l’officier de police lorsqu’elle a porté plainte contre l’auteur des faits, un dénommé Mohamed Ali, bien connu des services de police. La belle affaire ! Malgré un procès en comparution immédiate, il n’a écopé de rien. Elle peut le croiser à tout moment dans la rue tout comme la police qui l’a pourtant déjà arrêté plusieurs fois.
La comparution immédiate est réservée à des faits mineurs. Agression, vol, drogue, racisme, exhibitionnisme, immigration illégale, conséquences d’un droit de visite refusé, ce sont les délits les plus courants que la police puis la justice ont à affronter quotidiennement. Les officiers de police enregistrent les faits et les plaintes, les procureurs débordés les constatent sans avoir le temps d’en chercher les causes, les juges les sanctionnent parfois sans avoir le temps non plus d’en mesurer les conséquences. La limite entre victime et prévenu est ténue. Les accusés ont le plus souvent besoin de parler, de confier leur misère mais personne n’est disponible pour les écouter. Alors ils passent à l’acte pour se faire remarquer comme Monsieur Rami qui « fait exprès » de laisser apparaître à la caisse un coin des livres qu’il s’apprête à emporter sans les payer. « Beaucoup de déférés n’ont absolument rien à faire au Palais de justice », conclut un psychiatre. La plupart d’entre eux relève plutôt de l’hôpital psychiatrique que de la prison mais une journée de détention coûte 80 euros alors qu’une journée à l’hôpital coûte 800 euros. Le coût, voici où le bât blesse. Tout le monde fait correctement son travail mais personne n’ignore que le ministère de la justice manque de moyens financiers et que les dossiers sur les faits de délinquance débordent des étagères.
Raymond Depardon a réalisé deux films documentaires sur le dispositif judiciaire des comparutions immédiates, « Délits flagrants » en 1994 puis « 10e chambre, instants d’audience » en 2004. Il filmait des audiences du tribunal Correctionnel de Paris, un face à face entre délinquants et juges pris sur le vif. Samantha Markowic reprend le même sujet en le théâtralisant. Elle s’inspire d’affaires recensées au cours d’une journée d’audiences correctionnelles ou lues dans la presse. Elle pointe du doigt les limites et manquements de la justice sans pour autant en apporter les solutions car il n’y a pas de solutions sans moyens. Le choix des faits délictueux et les nombreux chiffres sur la délinquance qu’elle avance et leur réalisme donnent matière à réflexion. La mise en scène et le décor mettent en situation avec efficacité les déférés et l’autorité qui les juge avec six comédiennes en alternance pour interpréter tous les rôles. Samantha Markowic, Camille Cottin et Camille Chamoux jouaient ce soir-là avec passion. M-P.P. Théâtre de l’Œuvre 9e.


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