JUSTE LA FIN DU MONDE

Article publié dans la Lettre n° 455
du 23 mai 2017


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JUSTE LA FIN DU MONDE de Jean-Luc Lagarce. Mise en scène Jean-Charles Mouveaux avec Vanessa Cailhol, Philippe Calvario, Jil Caplan, Esther Ebbo, Jean-Charles Mouveaux, Chantal Trichet.
Louis est de retour au cœur d’un dimanche familial. D’où vient-il ? Où a-t-il caché, durant toutes ses années, un silence simplement rompu par une kyrielle d’impersonnelles cartes postales, toujours les mêmes ? Nul ne le sait. D’ailleurs, ses proches ont-ils vraiment envie de le savoir, si l’on en croit les interruptions incessantes qu’ils opposent à chacune de ses velléités de confidence ? Il est venu se « montrer enfin responsable », leur avouer sa mort proche, il le dit en monologue avant la rencontre. Mais il dérange, à tous les sens du terme. Et chacun se met à bredouiller, à chercher le mot juste, le temps verbal, le conditionnel, pour se hisser au niveau de langage de Louis, dont on redoute le jugement de spécialiste supposé. Dans le chaos qu’a laissé son départ il y a longtemps, ni la mère ni les frère, sœur et belle-sœur n’ont su se reconstruire, enferrés dans leur rancœur, leur frustration, la médiocrité de leur quotidien. La mère ressasse, dans un rire de fausset, le deuil du père, les clichés d’une enfance joyeuse. La belle-sœur Catherine bafouille un récit insipide autour des enfants et d’une terne conjugalité, Suzanne la sœur virevolte avec agressivité dans ses reproches à l’aîné prodigue, dans sa véhémence contre le cadet. Antoine éructe, entre insultes et sanglots, sa soif jalouse de ce grand frère dont il s’est senti déserté. Et Louis se tait, observe, tente sans succès d’insérer la parole libératrice… Il repartira à jamais lourd d’un secret inavoué. Cette fissuration des équilibres instables de la famille est rendue par le chaos des tables renversées et entassées, qui favoriseraient par moments les duos passagers, abruptes montées, descentes violentes et périlleuses. Duos en monologue, complicité impossible, insupportable conscience du vide. « Je ne suis rien », crie Antoine.
La mise en scène est à la fois aérée et oppressante, à l’aune des émotions en dérive. Et la palette des cinq comédiens est intelligemment variée, en contrastes saisissants. Le mutisme comme la joie factice, leurs sanglots immatures comme la violence de leur frustration contribuent à brosser le tableau si banalement évident des fractures familiales.
Un vrai moment de théâtre. A.D. Studio Hébertot  17e.


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