LE JOUR DU DESTIN

Article publié dans la Lettre n° 217


LE JOUR DU DESTIN de Michel del Castillo. Mise en scène Jean-Marie Besset et Gilbert Désveaux avec Michel Aumont, Christophe Malavoy, Christian Bouillette, Loïc Corbery, Laurent Lafitte, Jamal Hadir.
En 1950, Onze ans après la fin de la guerre civile qui a ravagé le pays, la dictature franquiste est résolument installée en Espagne. A la Direction de la Sûreté de Barcelone, règne le redoutable et redouté Avelino Pared, un mur, comme l’indique son patronyme. D’une extrême rigidité, sans états d’âme, il cache, derrière son obsession de l’ordre, un cynisme désabusé et un sens inné de la manipulation. Son surnom « le Cobra » lui va comme un gant. Sa réputation a dépassé la région puisque le jeune inspecteur Laredo a demandé son affectation à la brigade sociale et politique catalane afin de travailler avec l’homme à qui il voue un véritable culte. Laredo croit aux vertus d’ordre et de discipline. Hasard ou coïncidence, son arrivée concorde avec la décision du Cobra: Pared donne l’ordre de stopper les activités de Ramón Puig, professeur à l’Université de Toulouse et militant anarchiste en exil. Depuis onze ans, cet idéaliste et humaniste passe la frontière clandestinement afin de poursuivre sa lutte contre la dictature. Arrêté par les hommes de Pared qui le filent depuis longtemps et connaissent parfaitement ses habitudes, Puig enfermé au secret, et dans le plus grand secret, va vivre des mois, seul, sans aucun contact avec l’extérieur, livré à lui même et à ses pensées. S’il porte beau et fier les premières semaines, cet isolement va peu à peu le laminer. Pendant que Pared assiste à cette dégradation avec un cynisme froid et calculateur, le jeune Laredo observe, impuissant, incrédule puis indigné à la lente descente aux enfers d’un homme de bien.
En dépit d’une mise en scène un peu trop démonstrative, la pièce de Michel del Castillo captive grâce à plusieurs aspects. Historique, puisqu’elle rappelle l’action rarement évoquée des anarchistes durant la guerre civile espagnole. Psychologique, car elle dessine avec précision l’état d’esprit de trois hommes de trois générations différentes, mais tous façonnés par un passé commun: celui d’une enfance ou d’une jeunesse détruite par la guerre, sans père, dans un pays de veuves. Inscrite dans un décor qui confère l’atmosphère poignante nécessaire au face à face de deux hommes sous le regard du troisième, sa réussite repose beaucoup sur les épaules des trois comédiens principaux: Michel Aumont, remarquable Pared, a la tâche difficile d’exprimer une froideur implacable qui cache son refus d’aimer et sa crainte de se connaître sous son véritable aspect. Christophe Malavoy se montre excellent en intellectuel lucide, à la tête froide mais aux pieds d’argile. Loïc Corbery est juste et émouvant en jeune inspecteur idéaliste qui ira jusqu’au bout de son idéal. Trois rôles très équilibrés qui ne font pas oublier l’excellente prestation de Christian Bouillette, Laurent Lafitte et Jamal Hadir dans des rôles de policiers et gardien non négligeables. Une pièce solide, didactique, à la facture très académique. Théâtre Montparnasse 14e (01.43.22.77.74). Lien: www.theatremontparnasse.com


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