LA JALOUSIE

Article publié dans la Lettre n° 192


LA JALOUSIE de Sacha Guitry. Mise en scène Bernard Murat avec Michel Piccoli, Anne Brochet, Stéphane Freiss, Annick Alanne, Michel Crémadès, Sylvie Flepp.
La jalousie est un serpent insidieux qui enserre le coeur et empoisonne l’esprit. Albert Blondel va en faire la cruelle expérience. Il cherche désespérément une excuse pour son retard. Ce retard est dû à une jolie femme qu’Albert, le pauvre innocent, s’est cru obligé de suivre dans sa chambre. Taraudé par la culpabilité, il ne trouve aucune excuse valable, sauf une. Mais voilà, Marthe, sa femme, arrive plus en retard que lui et donne comme excuse celle qu’il pensait lui servir. Un comble! Pas de doute, la coquine est infidèle, il est cocu! Sûr de son infortune, le cocu imaginaire va tourmenter son épouse innocente. Il croit même avoir découvert l’amant, un bel homme, élégant, romancier de gare et séducteur de salon. A force de suspicion, Albert va précipiter, malgré elle, Marthe dans les bras de l’amant qu’il lui a choisi.
La Jalousie fut créée en 1915. Elle est l’oeuvre d’un auteur qui n’a pas 30 ans. Quelle maturité dans la peinture psychologique et quelle maîtrise dans la construction. A part le trio classique, le mari, la femme et l’amant, tous les personnages sont construits avec un vécu. Le divin Sacha savait écrire pour des comédiens. La pièce commence par le monologue d’Albert Blondel. Il y a du Georges Dandin et du Arnolphe dans ce personnage. Il sera aveuglé comme Othello, mais, comme le souhaitait Guitry, qui créa le rôle, Albert fait rire car il est dans son tort. Michel Piccoli donne à Albert Blondel un côté pirandellien, inattendu dans le rôle. Quoique trop âgé pour être le mari de la candide Anne Brochet, il crée un être écartelé entre le ridicule et le pathétique. Anne Brochet, fine mouche, tient la dragée haute avec justesse et élégance à ce mari jaloux. Stéphane Freiss compose un Lézignan virevoltant, un fat amoureux de lui-même. Annick Alanne est une grande dame du théâtre. Elle est la mère de Marthe, comme toujours parfaite, si juste, avec cette humanité souriante qui est son cachet. Guitry a écrit des seconds rôles avec des morceaux de comédie savoureux, la dactylo émotive et maladroite (Sylvie Flepp) et le détective incompétent (Michel Cremadès) sont hilarants. Bernard Murat met en scène en servant l’oeuvre, sans crise d’ego sur l’interprétation abusive de cette comédie, bonne comme une orange amère, acidulée. Tout est remarquablement orchestré, du décor à la lumière pour cette Jalousie de haut niveau. Théâtre Edouard VII 9e (01.47.42.59.92).


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