L’INTRUS

Article publié dans la Lettre n° 329
du 19 septembre 2011


L’INTRUS de Antoine Rault. Mise en scène Christophe Lidon avec Claude Rich, Nicolas Vaude, Jean-Claude Bouillon, Delphine Rich, Chloé Berthier.
Henri est médecin, un savant spécialiste du cerveau. Ses travaux sont reconnus, ses nombreux ouvrages font encore autorité. Mais le voici à la retraite, sans l’avoir vue venir. Il a vécu trop vite, pour lui-même. Égoïstement, il a profité de son charme pour culbuter les petites laborantines sur les paillasses du labo et les oublier ensuite, n’imaginant pas une minute ce que fut pour elles la rupture. Il a perdu Marguerite, sa femme, sans avoir eu le temps de lui dire tout ce qu’il aurait dû, vivant à ses côtés, trop préoccupé par lui-même pour la voir. Il ne mesure pas non plus la chance d’avoir une fille célibataire qui vit chez lui pour échapper à la solitude. Elle non plus n’a pas retenu son attention, il ne l’a pas regardée grandir. Aujourd’hui il se sent inutile, il a selon lui « dépassé la date de péremption ». Il voit son corps l’abandonner même s’il crie haut et fort conserver toutes ses facultés mentales. Alors, il envisage l’après. Après la vie, la mort et son mystère angoissant.
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà - De ta jeunesse ? C’est ce que lui demande une nuit en substance une sorte de diablotin qui a pris place tout à coup dans son lit. Henri s’insurge, le repousse, mais rien à faire. Chassé par la porte, il revient par la fenêtre. L’intrus ne cesse de lui parler comme s’il était à l’intérieur de lui-même. Il lui propose un pacte. Revivre un moment heureux de sa vie mais lui remettre celle-ci dès qu’il le reconnaîtra. Henri refuse tout d’abord puis finit par accepter. Un moment heureux ? A-t-il seulement eu le temps de vivre un moment heureux ? Qu’est-ce que le bonheur, cet état de conscience si fugitif ? Qu’est-ce que l’amour, cette inclination tellement éphémère ?
La mise en scène exploite avec subtilité l’ingénieux décor qui rappelle celui d’une autre pièce d’Antoine Rault Le diable rouge, jeux de miroirs dans lesquels se reflètent les personnages. Le casting est une vraie réussite. Claude Rich, magnifique, est l’ancien qui bougonne, se cabre, pris de peur. Nicolas Vaude, brillant, est l’affreux méphisto, tentateur plein de vie. Autour d’eux se tient Pauline, sa fille, un rôle dévolu à Delphine Rich, remarquable. Rodent les jeunes femmes qui partagèrent un moment de son existence, toutes finement jouées par Chloé Berthier. Gérard, l’ami d’autrefois, est également présent, excellent Jean-Claude Bouillon qui cumule lui aussi plusieurs rôles. Arrive alors le fameux moment de bonheur, instant fugace qu’Henri reconnaît enfin et voudrait retenir.
Les réflexions pertinentes de cette comédie existentielle interpellent les spectateurs. Elles sont celles que tout un chacun se fait ou ne manquera pas de se faire un jour. Comédie des Champs-Elysées 8e.


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