L’INJUSTE de Alexandre Amiel, Yaël Berdugo, Jean-Philippe Daguerre et Alexis Kebbas. Mise en scène Julien Sibre. Avec Jacques Weber et Élodie Navarre.
La Suisse en 1993. L’homme est assis dans un fauteuil, droit comme un « I » dans la pièce entièrement close d’un bunker perdu dans les profondeurs d’une forêt. Il vient souvent s’y recueillir, en souvenir du passé. Il attend la visite d’une journaliste d’un quotidien israélien. La voici qui survient. L’homme qui l’accueille est François Genoud, un ancien banquier suisse. Avant de la recevoir, il s’est renseigné sur elle. Il sait exactement qui elle est et dans quel but elle a sollicité cette entrevue. Il est au soir de sa vie. Alors pourquoi s’est-il risqué à accepter cette interview? Pro nazi durant la guerre, il a blanchi l’or provenant des camps. Il est également détenteur des droits d’auteur d’Hitler et de Goebbels, Aujourd’hui, plein de morgue, il se croit intouchable et reste dans le déni. Il a toujours nié la solution finale, persuadé que les juifs étaient mobilisés pour travailler et que les nazis ne faisaient que récupérer l’argent qu’ils avaient volé. Il n’est même pas surpris de ne jamais avoir été poursuivi, enlevé ou même exécuté par le Mossad : «la discrétion, c’est ce qui m’a permis de durer». Il cherche à intimider la jeune femme mais elle poursuit son interrogatoire sans s’émouvoir, listant les crimes de guerre et contre l’humanité dont il s’est rendu coupable. Il s’esclaffe, certain de ne jamais avoir à vivre les affres d’un procès. Croyant lui assener le coup de grâce, il s’offre un ultime baroud d’honneur mais la journaliste possède une dernière cartouche…
Dans une mise en scène rigoureuse et resserée, Jacques Weber en impose par sa stature et son talent. Il passe en un clin d’œil par tous les sentiments, déversant avec maestria l’arrogance, le mépris et la haine de son personnage. Face à lui, solide et tout en retenue, Élodie Navarre lui tient la dragée haute. Un duel passionné et passionnant. M-P P. Théâtre de La Renaissance 10e.